Sur les traces du monde agricole avec « La Terre » d’après Emile Zola revisité par Anne Barbot
Qui mieux que Zola pour dépeindre les [...]
Le Théâtre des Évadés adapte l’ascension et la chute de Lucien de Rubempré dans un spectacle foisonnant et généreux, servi par de jeunes comédiens enthousiastes au talent prometteur.
Sur le grand plateau de la salle en pierre du théâtre de l’Épée de Bois, les comédiens ardents du Théâtre des Évadés sont comme Lucien arrivant à Paris : voraces et tourbillonnants mais un peu perdus. Tous les éléments de la scénographie étant posés et déposés à vue, les changements de décor ont tendance à ralentir le rythme du jeu. Peut-être aurait-il fallu élaguer et resserrer, y compris le texte. Celui-ci, à force de vouloir tout traiter des désillusions de Lucien, alourdit le spectacle, notamment dans les allers-retours entre les rêves d’Angoulême (scènes pourtant touchantes entre David, Eve et Lucien) et le cauchemar parisien. Peut-être qu’un plateau plus petit aurait mieux convenu pour faire monter la fièvre et la pression autour de Rubempré, chiot aux dents de lait bientôt dévoré par les hyènes. Le spectacle aurait gagné à l’épure. Mais « travailleuse, cette belle jeunesse voulait le pouvoir et le plaisir ; artiste, elle voulait des trésors ; oisive, elle voulait animer ses passions ; de toute manière, elle voulait une place, et la politique ne lui en faisait nulle part », comme dit Balzac dans Illusions perdues : gloire, alors, à Ariane Mnouchkine d’avoir accueilli le Théâtre des Évadés pour travailler au Soleil, et à l’Épée de Bois de leur avoir fait une place en ses murs pour y présenter leur travail !
Collier de perles brillantes
Dans cette vaste fresque, brillent d’excellents moments de théâtre. La scène de la réunion du Cénacle au Louvre est très belle ; celles des conférences de rédaction où se préparent cabales et coups bas, à grands renforts de coke et d’excitation sexuelle, sont très drôles ; celles de la descente en flamme de Coralie par la claque théâtrale assermentée aux méchants est très émouvante. Les comédiens (Marianne Giropoulos, Nicolas Katsiapis, Willy Maupetit, Gaëtan Poubangui et Manon Xardel) sont sincères et indéniablement talentueux. Jason Marcelin-Gabriel rayonne de manière particulièrement éclatante au milieu de ces jeunes gens prometteurs. Ugo Perez Andreotti imagine de belles lumières ; les costumes d’Estelle Deniaud sont astucieux et la mise en scène de Paul Platel, assisté par Laure Sauret, est énergique. Chaque miniature, prise en elle-même, est efficace et touchante. L’excellente idée, surtout, est de faire alterner la partition théâtrale, réécrite et modernisée, avec des extraits du roman, faisant ainsi s’entrechoquer les époques et les langues. Le respect et la liberté, la déférence et l’insolence fantasque, se mêlent en un travail dont la dramaturgie est intelligente. Les personnages sont croqués à la manière des caricaturistes du XIXème siècle, et les comédiens excellent à forcer le trait avec un abattage impétueux. On pense à Baudelaire affirmant que « la véritable gloire et la vraie mission de Gavarni et de Daumier ont été de compléter Balzac, qui, d’ailleurs, le savait bien, et les estimait comme des auxiliaires et des commentateurs ». Paul Platel et les siens, en revisitant Illusions perdues, font la même chose et méritent l’estime.
Catherine Robert
Du jeudi au samedi à 21h ; dimanche à 16h30. Tél. : 01 48 08 39 74. Durée : 2h40.
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