La Terrasse

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Théâtre - Critique

Oncle Vania – Scènes de vie à la campagne

Oncle Vania – Scènes de vie à la campagne - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Michel Corbou Légende : « Alain Françon met en scène Oncle Vania au Théâtre Nanterre-Amandiers. »

Publié le 10 avril 2012 - N° 197

Après La Mouette, La Cerisaie, Ivanov, Le Chant du cygne, Platonov et Les Trois sœurs, Alain Françon s’engage de nouveau sur les terres du théâtre tchékhovien. Il signe une version pleine de mystère et de puissance d’Oncle Vania.

Si Alain Françon est venu au théâtre d’Anton Tchekhov sur le tard (en 1995, avec La Mouette, à l’âge de 49 ans), l’ancien directeur du Théâtre national de la Colline a créé, depuis lors, pas moins de six pièces de l’auteur russe. Aujourd’hui, au Théâtre Nanterre-Amandiers, il signe une version audacieuse d’Oncle Vania. Une version elliptique, tout en contrastes et en mouvements souterrains, qui avance à travers les quatre actes de la pièce en déployant des atmosphères et des motifs d’une profondeur sourde. Pourtant, cette représentation d’un réalisme épuré (la scénographie est de Jacques Gabel, les lumières sont de Joël Hourbeigt, les costumes de Patrice Cauchetier) ne laisse tout d’abord transparaître aucune forme d’étrangeté. Une peinture de paysage champêtre semble, au début du spectacle, donner le ton d’une proposition concrète, enlevée, mais sans trouble. Toutefois, peu à peu, comme insensiblement, une force impalpable vient déstructurer l’apparent classicisme de cet Oncle Vania. Une force mouvante qui opère par à-coups, sans pour cela jamais totalement prendre le dessus et déclencher le tremblement de terre qu’elle sous-tend.

Les creux et les pleins de l’existence

Tout cela se révèle très mystérieux, à la fois d’une grande puissance et d’une grande délicatesse. De silences qui pèsent en émois qui éclatent, dans parfois toute leur dangerosité, d’obscurités crépusculaires en clartés teintées de rires et d’enjouement, ces scènes de vie à la campagne passent ainsi par toutes sortes de nuances sans jamais donner l’impression de tendre vers un quelconque point de synthèse ou de résolution. Ici, la vie va comme elle est, de creux en pleins, selon des inclinations qui n’appartiennent qu’à elle. Des inclinations auxquelles André Marcon confère une dimension vertigineuse. Continuellement au bord de la rupture, le grand comédien crée, dans le rôle du professeur Sérébriakov, un pendant inédit au rôle d’Oncle Vania (admirablement interprété par Gille Privat). Le reste de la distribution est à l’avenant. Faisant preuve d’une grande aisance, d’une profonde intériorité, Eric Caruso, Catherine Ferran, Jean-Pierre Gos, Guillaume Lévêque, Laurence Montandon, Barbara Tobola et Marie Vialle complètent le tableau d’une représentation impressionnante qui renvoie à l’avancée d’un poème symphonique.

Manuel Piolat Soleymat     


Oncle Vania – Scènes de vie à la campagne, d’Anton Tchekhov (texte français d’André Markowicz et de Françoise Morvan) ; mise en scène d’Alain Françon. Du 9 mars au 14 avril 2012. Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 15h30. Théâtre Nanterre-Amandiers, 7, avenue Pablo-Picasso, 92022 Nanterre. Tél : 01 46 14 70 00. Durée : 2h30 avec entracte.

En tournée les 18 et 19 avril 2012 à la Maison de la culture d’Amiens, les 24 et 25 avril à la Scène nationale de Chambéry, du 29 avril au 19 mai au Théâtre de Carouge, à Genève. Voir aussi dans ce numéro la critique d’Oncle Vania dans la mise en scène de Christian Benedetti.

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