La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique / Reprise

Oncle Vania

Oncle Vania - Critique sortie Théâtre Paris Athénée-Théâtre Louis-Jouvet
© MLM Marina (Isabelle Sadoyan) et Astrov (Christian Benedetti), le thé ou la solitude...

Publié le 5 septembre 2012 - N° 201

Christian Benedetti met en scène Oncle Vania, une construction magistrale et épurée avec d’époustouflants comédiens, et renouvelle le drame tchékhovien.

Tchekhov, c’est un maître absolu ! L’un de ces très rares écrivains d’une extraordinaire (et si ordinaire !) proximité avec nous, comme avec chaque génération. Tout est dit : la vie d’hier, la vie d’aujourd’hui, la vie en transition, affrontant des changements mal maîtrisés vers des lendemains incertains. La vie qui se cherche, se débat, esquive, ou fait face à ses illusions, ses déceptions, ses désirs, ses attentes. Le samovar trônant sur la table n’est pas éternel… La vie est un perpétuel mouvement, que l’on comprend mieux en regardant ce théâtre. Avec Tchekhov, Christian Benedetti revient à ses premières amours. Il avait monté La Mouette à son arrivée à Paris il y a trente ans. L’an dernier, il a initié le projet  de monter l’intégralité de l’œuvre dramatique de Tchekhov, et l’a inauguré avec une Mouette unanimement saluée, façonnée dans le même esprit que cet Oncle Vania avec pour partie les mêmes comédiens. Christian Benedetti a réussi à mettre en forme cette exceptionnelle proximité tchékhovienne avec le spectateur par la construction magistrale et épurée de sa mise en scène, extrêmement précise, attentive au moindre détail. Une construction d’une simplicité radicale et essentielle, nette, claire, remarquablement allusive, sans esbroufe, et portée par une équipe d’époustouflants comédiens. Christian Benedetti-le médecin Astrov, Daniel Delabesse-Vania, Judith Morisseau-Sonia, Florence Janas-Elena, Brigitte Barilley-Maria, Laurent Huon-Téléguine, Philippe Crubézy-le professeur Sérébriakov, et last but not least Isabelle Sadoyan-Marina la vieille nounou forment une partition étonnamment riche et pleine.

Conscience aiguë de la perte

La scénographie est constituée du strict nécessaire et d’accessoires basiques. Sans psychologie, dépassant la notion de personnage, la mise en scène se déploie de façon stupéfiante dans la relation nuancée et forte que les mots incarnés entretiennent avec le spectateur. Ainsi l’adresse, la posture et la diction pensées dans l’espace du plateau prennent ici un relief inédit, d’une importance cardinale, qui fait entendre le texte de façon à la fois percutante et très sensible. Plus la représentation avance, plus cette façon de dire résonne avec force et vérité, comme une sorte de dévoilement de quelque chose de la nature profonde des drames tchekhoviens, ou de la condition humaine. Entre rires et larmes forcément, entre conscience aiguë de la perte, tristesse résignée et rage qui parfois explose. Débit très rapide des paroles (qui au début surprend, et évite d’emblée un réalisme psychologisant), moments suspendus d’arrêts sur image qui figent la scène et le temps, intenses moments de confidence d’Elena ou Vania qui s’avancent tout près du public, silences…  Le rythme nerveux et sous tension, comme l’est singulièrement Astrov, insuffle une forme nouvelle à la pièce, interpelle et exacerbe notre regard, admiratif…

Agnès Santi

A propos de l'événement

Oncle Vania
Athénée-Théâtre Louis-Jouvet
7 rue Boudreau, 75009 Paris.

Du mardi au samedi à 20H00 (matinée aussi à 15h le samedi) en alternance avec La Mouette. Tél : 01 53 051919. Durée : 1h20. Spectacle vu au Pôle Culturel d’Alfortville.
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