« Ce que vit le rhinocéros » : Pauline Hercule et Pierre Germain s’emparent de la fable animalière de Jens Raschke pour évoquer les injustices du monde
Dans Ce que vit le rhinocéros lorsqu’il [...]
On n’est pas là pour disparaître explore de l’intérieur la maladie d’Alzheimer par l’entremise du texte d’Olivia Rosenthal et de l’impressionnante interprétation de Yuming Hey.
Seul en scène, en jogging gris et t-shirt blanc, ses pieds sont comme vissés par terre, comme enracinés dans le plateau. Plante souple et agile, Yuming Hey se laisse osciller, balancer, se tord parfois, traversé qu’il est par les voix et les émotions des personnages du récit d’Olivia Rosenthal. Timbre androgyne aux infimes et infinies variations, visage qui attire autant qu’il rend la lumière, gestuelle parfois très lente, parfaitement maîtrisée, d’une impitoyable précision, le jeune acteur bientôt trentenaire fait ici preuve une nouvelle fois de son magnétisme scénique. Il porte pendant plus d’une heure le texte adapté et mis en scène par Mathieu Touzé autour de la maladie d’Alzheimer. Ou plus exactement l’histoire fictionnelle de Monsieur T. qui, un jour de juillet 2004, tue sa femme dans un accès de démence comme peut exceptionnellement en provoquer cette pathologie. Un récit qui constitue bien davantage qu’un fait divers, qui offre une véritable plongée dans l’univers d’une des maladies du siècle. Une plongée un peu scientifique, mais surtout humaine, les paroles de Monsieur T., de sa femme, de sa famille, de ses soignants et aidants s’entrecroisant pour dessiner la carte sensible d’une lente dégénérescence, qui concerne de plus en plus nos aînés et nous guette toutes et tous au bout de la route.
Comprendre et surtout ressentir
La performance de Yuming Hey doit beaucoup à la mise en scène conçue par Mathieu Touzé. L’accompagnement à la guitare de Rebecca Meyer, les variations de lumière de Renaud Lagier et Loris Lallouette œuvrent en toute discrétion à impulser les menus changements d’atmosphère qui accompagnent les boucles narratives. De ce Monsieur T, qui ne reconnaît plus celles et ceux qui lui sont familiers, qui se réfugie dans des rêves d’Amérique et lance une plainte sur la difficulté qu’il y a à être un homme, à sa femme, qui ne peut plus croire en la force de l’amour face à la mort et doit enfermer son mari de peur qu’il ne s’évapore, en passant par la voix teintée d’humour (noir) de l’autrice, ou les expériences suggérées par la voix off de Marina Hands, le spectacle donne à comprendre et surtout à ressentir les effets de cette maladie. Le maelstrom des énonciations et des temporalités brouille parfois les repères du spectateur, mais c’est bien le moins quand il s’agit, de l’intérieur, d’éprouver la perte, la disparition du réel, l’enfermement, ou l’enfer tout court, que produit la maladie quand, au crépuscule, elle s’abat telle une épaisse brume sur nos vies.
Eric Demey
à 14h. Relâche les jeudis. Tél. : 04 32 76 24 51. Durée : 1h10
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