Festival Au bord du risque #4
Carrefour de formes inclassables, le Festival [...]
Laura Perrotte met en scène et interprète, en compagnie de Caroline Monnier et Isabelle Seleskovitch, les tableaux de la passion d’une femme ordinaire, prise entre fantasme et quotidien sordide.
Coït et vaisselle imposés, rêves à étouffer et fantasmes homosexuels à refouler, ridicule marital et conjoint trop peu fessu à supporter : être femme n’est pas une mince affaire, et quand on songe qu’on le devient à l’occasion d’une soirée trop arrosée, où l’alcool a transformé un médiocre infographiste en prince charmant, c’est à désespérer que l’esprit vienne jamais aux filles… Le jeune dramaturge suédois Jonas Hassen Khemiri interroge les affres de l’identité à travers le portrait d’une femme tiraillée entre les trois facettes d’elle-même, dans cette pièce que met en scène Laura Perrotte, avec un sens aigu du rythme et un usage abouti de toutes les teintes de la palette de jeu. Elles sont une, elles sont trois, elles sont cent… Trois points de vue différents, incarnés par Laura Perrotte, Caroline Monnier et Isabelle Seleskovitch, questionnent l’identité complexe voire contradictoire d’une femme à la « vie bridée et étriquée, parfaitement normale ».
Un trio décapant
Sur le plateau quasi nu, les trois comédiennes incarnent les trois âges de la vie : jeunesse de l’espoir rebelle, maturité du début des renoncements, vieillesse de la ratiocination vaine. Le réel bataille avec l’imaginaire, et rêves et espoirs finissent systématiquement écrasés par la condition servile, à laquelle l’héroïne n’échappe pas, renonçant même au suicide comme ultime porte de sortie. Les trois femmes, qui n’en font qu’une, racontent leur jeunesse, leurs drames, leurs amours et leurs revers, et le travail acharné pour être bonne mère, bonne épouse, bonne maîtresse de maison, modèle en tout et heureuse en rien. Les comédiennes interprètent leur partition avec rigueur et inventivité. Reste que le texte, assez répétitif, peine à véritablement convaincre, oscillant sans cesse entre le sarcasme et la pitié. Point de salut pour cette femme, mais point de véritable compassion non plus, tant les échappatoires qu’elle choisit demeurent platement grotesques. Chimère d’une passion torride avec un voyageur rencontré par hasard dans un train, humiliation publique d’une conférence d’orthodontie où un film porno est projeté au lieu du power point prévu… N’est pas Alexandra David-Néel ou Germaine Tillion qui veut, et l’on rêve, à l’issue de cette traversée du sordide, de l’éloge de femmes qui l’ont réussie la tête haute et la matrice un peu moins échaudée…
Catherine Robert
Les Déchargeurs, 3, rue des Déchargeurs, 75001 Paris. Du 3 avril au 26 juin 2017. Lundi et mardi à 19h30. Tél. : 01 42 36 00 50. Durée : 1h15.
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