La Terrasse

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Théâtre - Critique

Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue

Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Tristan Jeanne-Valès Légende photo : « Un spectacle associant danse, vidéo et discours politique. »

Publié le 10 février 2009

Spectacle chorégraphique et visuel affublé d’un texte d’une étonnante naïveté, Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue veut parler d’aujourd’hui, de l’Afrique, de la France. Une tentative de propos politique qui s’enferme dans une vision innocente du monde.

Sans le texte de Ronan Chéneau, le spectacle mis en scène par David Bobee et chorégraphié par DeLaVallet Bidiefono (artiste congolais fondateur de la Compagnie Baninga) passerait comme une agréable succession de séquences chorégraphiques, acrobatiques et visuelles. Une succession de climats sonores, de perspectives graphiques, d’occupations corporelles du plateau qui — sans jamais quitter les autoroutes d’une esthétique fleurissant sur nos scènes depuis déjà de nombreuses années (rangées de néons, mur vidéo, amplification des voix, conception géométrique et aseptisée de l’espace, rejet de la théâtralité, volonté de refléter une idée de quotidien…) — révèle l’efficacité de quelques jolies images, la puissance de danseurs donnant corps aux seules véritables évidences de la représentation. Voilà donc pour le meilleur de Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue, travail né d’une commande du Centre chorégraphique national de Basse-Normandie pour le festival Danse d’Ailleurs. Car pour le reste, ce spectacle nous confronte à des propos sans épaisseur, des propos complaisants à travers lesquels l’auteur se met en scène et oublie toute notion de complexité.
 
Un manifeste politique sans épaisseur
 
Au fil de la représentation, agrippé à un micro sur pied présent dans un coin de l’avant-scène, Ronan Chéneau prend la parole pour lire les feuillets d’un texte qui évoque sa propre vie, ses incapacités d’auteur, des sensations nées à l’occasion d’un voyage à Brazzaville, des commencements d’interrogations sur le « quoi dire », le « quoi faire », le « comment agir » dans la France d’aujourd’hui. Relayés sur le plateau par divers interprètes, ces propos qui prennent la forme d’un manifeste politique s’engouffrent rapidement dans le plus primaire des antisarkozysme. Or, il n’est nul besoin de partager les idées de l’actuel président de la République pour se sentir à l’étroit dans une vision du monde aussi simpliste et manichéenne. Se complaisant dans des envolées romantiques nourries de bons sentiments, le texte de Ronan Chéneau n’éclaire en effet aucune zone d’ombre, échappe à toute profondeur pour favoriser une appréhension essentiellement émotionnelle de notre époque. Au bout du compte, ce qui voudrait agir comme un électrochoc citoyen ne porte pas plus loin qu’une petite révolte adolescente.
 
Manuel Piolat Soleymat


Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue, de Ronan Chéneau ; mise en scène et scénographie de David Bobee ; chorégraphie de DeLaVallet Bidiefono. Du 24 janvier au 14 février 2009. Les mercredis, vendredis et samedis à 20h30, les mardis à 19h30 et les dimanches à 15h00. Théâtre de Gennevilliers, 41, avenue des Grésillons, 92230 Gennevilliers. Réservations au 01 41 32 26 26.

A propos de l'événement


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