La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Noces de sang

Noces de sang - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Agathe Poupeney Légende photo : Farid Paya met en scène l’Andalousie sanglante de Lorca.

Publié le 10 avril 2008

Farid Paya et les siens s’emparent avec leur passion et leur authenticité habituelles de la danse d’amour et de mort imaginée par Lorca. Un beau spectacle, intelligent et intense.

Des terres arides que seule la peine des hommes durs à la tâche ensemence, un soleil écrasant et une lune meurtrière dont la lumière impitoyable traque les amants malheureux, la fierté et la douleur de pierre d’une mère n’hésitant pas à convoquer le crime que pourtant elle honnit, l’inexorable loi de l’honneur rétive à la douceur du pardon : tout est réuni dans le texte de Lorca pour aménager les conditions d’une mécanique tragique qui mène au désastre ceux qui croient que l’amour peut jouir dans le lit de la raison. Le soir de ses noces, la fiancée échappe à la fête et s’enfuit avec Léonard, son premier amour, provoquant la honte, la haine et l’implacable appel du sang qui doit nécessairement couler, des ventres palpitants des jeunes gens au lieu de l’hymen de la vierge rétive. En échos aux rêves de la Barraca, le théâtre ambulant de Lorca, Farid Paya installe le premier acte de ce drame sur des tréteaux disposés au centre du grand plateau sur lesquels grimpent à tour de rôle les principaux protagonistes de l’intrigue. Patientant à vue pendant que Marc Lauras soutient le récit d’un violoncelle à la fois lancinant et inquiétant, les comédiens jouent avec esprit de l’artifice de leur art, n’entamant l’incarnation qu’au moment de monter sur les planches, renforçant ainsi l’effet de concentration des affects, l’étroite scène devenant le lieu angoissant et menaçant des fusions et des fissions psychologiques.
 
Des comédiens jouant souplement de la lumière et des ténèbres
 
Les tréteaux deviennent table du banquet dans le deuxième acte et un mouvement fluide agrandit l’espace de jeu qui s’approfondit davantage encore au troisième acte, lorsque, le rideau ouvert, le plateau tout entier devient le lieu de la nuit criminelle. La musique, la danse et les chants, toujours très présents dans les spectacles de Farid Paya, autorisent une gaieté au moment des noces qui ne rend que plus criant l’évident décalage dont sont victimes les amants, incapables de se réjouir à un mariage qui aurait dû être le leur. L’enracinement populaire de l’univers de Lorca est très bien rendu dans les compositions chorégraphiques du deuxième acte, comme est intelligemment suggéré l’attrait de cet auteur pour le fantastique dans le dernier acte, avec une lune et des arbres dotés soudain de la parole. Les comédiens de la compagnie du Lierre  (habillés de très beaux costumes) incarnent avec justesse et vérité ces héros tragiques taraudés par la mort. Parmi eux, Antonia Bosco irradie en mater dolorosa que la fureur transforme en Erinye. Ce spectacle parvient à provoquer la stupéfaction et les tremblements à l’œuvre dans la tragédie et obnubile l’œil et l’esprit à l’instar du fulgurant soleil andalou !
 
Catherine Robert


Noces de sang, de Federico Garcia Lorca ; mise en scène de Farid Paya. Du 12 mars au 27 avril 2008. Mercredi, vendredi et samedi à 20h30 ; jeudi à 19h30 suivi d’une rencontre ; dimanche à 15h. Théâtre du Lierre, 22, rue du Chevaleret, 75013 Paris. Réservations au 01 45 86 55 83.

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