La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse contemporaine - Critique

Navy Blue : La révolte gronde toujours chez Oona Doherty

Navy Blue : La révolte gronde toujours chez Oona Doherty - Critique sortie Danse Paris Chaillot - Théâtre national de la danse
La révolte gronde toujours chez Oona Doherty Crédit : Sinje Hasheider

Chaillot, Théâtre national de la danse

Publié le 23 septembre 2022 - N° 302

La chorégraphe irlandaise Oona Doherty concentre ses réflexions dans douze corps en état d’alerte sur notre monde. Ou en sursis.

À quoi ressemble une œuvre d’Oona Doherty lorsque celle-ci porte un désir d’unisson ? Heureusement que l’art de la chorégraphe ne tombe pas dans le piège de l’exercice formel, pour cette pièce d’une lecture déjà suffisamment littérale. Douze danseurs face public commencent un inquiétant tremblement, avant de se lancer dans une danse de groupe à l’effet renforcé par le costume : un unique uniforme bleu, qui pourrait être celui d’ouvriers, des ouvriers de la danse à la recherche du sens même de leur présence. Hommes et femmes de tailles, de couleurs et d’âges différents se lancent dans une même variation, mais sans la découpe au cordeau, d’où surgissent des réminiscences de formes classiques : ici un petit battement, là un port de bras, ailleurs une révérence… La grandiloquence de la musique de Rachmaninov les emporte plus avant dans un mouvement incessant, presque mécanique, dans des prises d’espace et des courses qui rendent le plateau trop petit. Mais aucune grâce ou joliesse ne peut émerger de leur danse, tant leurs visages sont crispés : un drame se joue dans cet air chargé d’attente et d’inquiétude. Des gestes de combats ou de résistance s’installent, poings levés.

Une pièce en deux temps

La résolution de cette première partie tient ensuite en une détonation, puis un effondrement dans une flaque bleue. La scène sera répétée jusqu’à la disparition des corps dans un bain saisissant de mercure couleur marine. La deuxième partie repose sur la renaissance de ces individus, grâce à l’utilisation du texte. Le monde dans lequel ils se retrouvent ressemble étrangement au nôtre, et les mots choisis par Oona Doherty et Bush Moukarzel interpellent d’abord, résonnent ensuite. Où il est question du sens des choses – ou plutôt de leur insignifiance –, des dominations, de sa propre production, de la place du danseur dans ce théâtre de dupes… La danse s’incarne dans des corps plus libérés, dans des gestes jetés, vifs, acérés. En lutte contre la vacuité, ils débordent d’une certaine énergie, avant de laisser place à un seul homme, désarticulé et bondissant, offert à sa fureur. La dernière image, en forme de réconciliation, apporte une sensation positive à un ensemble très explicite et lourd de sens. Oona Doherty surprend une nouvelle fois avec une pièce qui renouvelle son écriture, la transpose dans un champ plus large et avec plus de recul que précédemment, mais toujours dans les problématiques politiques et sociales qui irriguent sa danse tout en poétisant ses corps.

Nathalie Yokel

A propos de l'événement

Navy Blue
du dimanche 25 septembre 2022 au samedi 1 octobre 2022
Chaillot - Théâtre national de la danse
1 place du Trocadéro, 75016 Paris.

le jeudi, le mardi, le mercredi à 20h30, le vendredi à 19h30, le samedi à 17h. Tél. : 01 53 65 30 00.

Tournée : Les 18 et 19 novembre 2022 au Pavillon Noir à Aix en Provence, les 22 et 23 novembre 2022 à la MC2 Grenoble, et le 26 novembre 2022 au Volcan au Havre.

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