La Terrasse

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Théâtre - Gros Plan

Nathan le Sage : mehr licht !

Nathan le Sage : mehr licht ! - Critique sortie Théâtre
Légende photo : Daniel Delabesse en Aufklärer malicieux et profond.

Publié le 10 mars 2008

Laurent Hatat met en scène Nathan le sage, de Lessing, « à la lumière des réverbères d’aujourd’hui ». Plus qu’une leçon de tolérance, plus qu’un pamphlet pétillant d’esprit contre la bêtise obscurantiste, cette pièce est aussi une belle leçon de théâtre qui prouve que jouer des idées n’est pas forcément les affadir.

Saladin, le sultan qui sait qu’on ne possède que ce qu’on donne, Nathan, le commerçant qui sait que tout ne s’achète pas et Curd, le Templier dont le fer tremble à servir l’injustice, incarnent, par leur intelligence et leur vertu, le possible dialogue entre les trois grands monothéismes occidentaux dont l’Histoire a fait des ennemis, et prouvent que judaïsme, christianisme et islam sont les trois fils pareillement aimés d’un même père qui n’a pas voulu choisir d’accorder sa préférence à l’un plutôt qu’aux autres. Lessing situe à Jérusalem, à l’époque de la Troisième Croisade, la rencontre entre ces trois hommes. Laurent Hatat en modernise le décor. Lessing, penseur libre et protéiforme qui ne se laissa jamais enfermer dans les carcans idéologiques ou littéraires, osant tous les genres, toutes les provocations et toutes les audaces, participa activement aux débats de son époque sur les questions religieuses. Ce fils de pasteur fut l’ami de Moses Mendelssohn, le plus grand philosophe juif de son époque, ce fils des Lumières fut un des plus fervents apôtres du sapere aude que Kant pose comme devise de l’Aufklärung : oser savoir pour rompre avec le prêt-à-porter intellectuel qui est toujours un prêt-à-haïr.
 
Un conte, une fable, une parabole, une leçon
 
Nathan est le symbole de cette autonomie mentale qui ne tremble pas devant les pouvoirs et qui sait user de discernement pour juger des hommes et des événements, recueillant toujours dans le silence de l’écoute la parole de l’autre avant de répondre, préférant le dialogue à la confrontation stérile des opinions, cherchant en son interlocuteur la meilleure façon de lui faire entendre raison, fidèle en cela à la stratégie du jeu d’échecs dont il est si friand. Soucieux de faire « réentendre avec humour les fondamentaux du vivre ensemble », Laurent Hatat a choisi de jouer la pièce de Lessing comme une fable, l’élaguant toutefois à la mesure possible de cette « folle journée » qui est celle que vit le bonhomme Nathan, pris dans les rets d’une enquête qui va le forcer à abandonner son secret. Servie par des comédiens que leur metteur en scène connaît bien, la pièce de Lessing constitue un heureux viatique pour notre moderne condition, toujours aux prises avec les ténèbres.
 
Catherine Robert


Nathan le sage, de Gotthold Ephraïm Lessing ; mise en scène de Laurent Hatat. Du 5 au 15 mars 2008 à 20h30 sauf le dimanche à 16h. Théâtre de l’Idéal,19, rue des Champs, 59200 Tourcoing. Réservations au 03 20 14 24 24. Du 28 mars au 13 avril 2008. Mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h30 ; jeudi à 19h30 et dimanche à 16h. Théâtre de la Commune, 2, rue Edouard-Poisson, 93300 Aubervilliers. Réservations au 01 48 33 16 16.

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