Pour la première fois, la version originale de My fair Lady est présentée à Paris.
Une jeune vendeuse de fleurs dont un professeur entreprend de faire une « lady » en la débarrassant de son accent populaire… et qui, s’installant chez lui, finit par bouleverser son existence. Depuis 1956, le scénario d’Alan Jay Lerner – inspiré de la pièce Pygmalion de George Bernard Shaw (1914) –, porté à l’écran par Georges Cukor en 1964, n’a rien perdu de son charme. Il s’est peut-être, en outre, doublé d’une dimension nouvelle : à l’heure où les cloisonnements sociaux apparaissent avec violence et où l’on questionne les leviers d’un « ascenseur social » en panne, on est saisi par la portée politique de la pièce, qui interroge la possibilité d’incorporer volontairement ce que le sociologue Pierre Bourdieu aurait appelé un habitus et d’accéder, par le biais de ce polissage des apparences, à une situation meilleure… My fair Lady met en effet en scène « une société profondément inégalitaire, où l’on juge les êtres en fonction de leur accent », ainsi que la capacité du personnage féminin à se révolter, remarque Robert Carsen, metteur en scène de la production du Théâtre du Châtelet.
Retrouver le plaisir de la danse dans la comédie musicale
C’est probablement dans cette capacité à questionner insidieusement la légitimité de l’ordre établi que réside la force de la pièce. A cela s’ajoutent les talents réunis pour le projet : le livret et les paroles d’Alan Jay Lerner se déploient sur une musique de Frederick Loewe, particulièrement variée (des valses, des passages romantiques, des moments gouailleurs…). Une telle partition est un support rêvé pour la danse : on l’oublie trop souvent, mais la comédie musicale a joué un rôle fondamental dans l’histoire de l’art chorégraphique. La chorégraphe de My fair Lady, en 1956, n’était autre que Hanya Holm, qui fut codirectrice de la compagnie de Mary Wigman, ouvrit une école à New York en 1931, diffusa les recherches de la danse expressionniste allemande et forma des chorégraphes majeurs comme, entre autres, Alwin Nikolaïs… Pour cette nouvelle production, la chorégraphie est signée par la Britannique Lynne Page, qui a récemment été nominée pour les Tony Awards avec sa chorégraphie de La Cage aux folles, présentée à Broadway : My fair Lady est un nouveau défi pour une chorégraphe qui explore depuis des années, avec exigence et passion, la façon dont la narration peut se conjuguer au mouvement.
My fair lady, de Frederick Loewe et Alan Jay Lerner (en anglais, surtitré). Direction musicale de Kevin Farell, mise en scène de Robert Carsen, chorégraphie de Lynne Page. Du 9 décembre au 2 janvier (horaires divers) au Théâtre du Châtelet, 1 place du Châtelet, 75001 Paris. Renseignements / réservations : 01 40 28 28 40.