La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Meurtres de la princesse juive

“Umculoweth”

Quand l’Afrique rencontre l’Europe, un choc des cultures émouvant et drôle.

Publié le 10 avril 2007

La mise en scène de Philippe Adrien tire le meilleur parti de cette comédie
au vitriol d’Armando Llamas, où se démènent des êtres en transit victimes de la
tyrannie du monde.

Une ronde fragmentée et rapide, où les passions prennent largement le pas sur
les idées, une « comédie planétaire » où se démènent des êtres fiévreux, un
univers où filent des existences en transit qui se cherchent à l’infini,
malmenées par des désirs et des attentes insatisfaits. De Mantes-la-Jolie à
Hiroshima, du Pakistan au Bangladesh, de l’aéroport d’Abu Dhabi à un café
parisien, les êtres se cherchent et se perdent, se font mal, s’étreignent,
copulent, s’engueulent, fuient. 35 personnages parlant en français, anglais,
urdu, hongrois, serbo-croate?, 14 séquences, 10 lieux scéniques. Pour mettre en
scène cette écriture abrupte, dense et expéditive – comme si la perte de repères
d’un monde excessif et tyrannique l’avait contaminée -, Philippe Adrien, sous
une lumière souvent éclatante et criarde, oscille entre burlesque et folklore,
outrance kitsch et pathétique, revenant judicieusement au réalisme pour
certaines scènes. Les comédiens, dans l’ensemble généreux et énergiques,
portraits impertinents prestement croqués, jubilent. Un écran permet de repérer
les lieux, et rappelle avec humour l’art du collage et de la série à variations
infimes mais significatives.

Occident obnubilé par ses jouissances

Années 80 : Jewish Princess de Frank Zappa (quelle férocité !), ou
Purple rain
de Prince, le ton est donné, et force est de constater que les
questions abordées par la pièce : banlieues en souffrance, intégrisme musulman,
immigration, racisme, société de consommation effrénée, Occident obnubilé par
ses jouissances – le souci écologique n?ayant pas pour l’instant entraîné de
modifications dignes de ce nom -, n?ont fait que s’envenimer. La mise en scène
tire le meilleur parti de l’humour cinglant de la pièce. « Je fais un travail
continu d’écrivain avec mon corps, dans la rue, avec les gens
. », a dit
Armando Llamas, né en 1950 en Espagne, puis parti en Argentine pour raisons
économiques, de 1953 à 1973, avant de s’installer à Paris. Il semble déverser
pêle-mêle ses rages et ses tristesses dans ses ?uvres, ce qui concourt à la
qualité du texte, mais marque aussi les limites d’un dérisoire aux fulgurances
percutantes, mais inégal. Un style comme un reflet de la brutale et cruelle
cacophonie du monde, dont on ne pleure pas ici car le loufoque l’emporte. Quel
foutoir ! Une ronde moderne, dont on ne perçoit ni la fin ni la finalité. En
tout cas une belle mise en scène.

Agnès Santi

Meurtres de la princesse juive d’Armando Llamas, mise en scène Philippe
Adrien, en collaboration avec Guillaume Marquet et Alix Poisson, du 6 mars au 8
avril, du mardi au samedi à 20H30 sauf jeudi à 19H30, dimanche à 16H, au Théâtre
de la Tempête, Cartoucherie, 75012 Paris. Tél : 01 43 28 36 36.

 

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