La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Mes frères de Pascal Rambert, mise en scène Arthur Nauzyciel

Mes frères de Pascal Rambert, mise en scène Arthur Nauzyciel - Critique sortie Théâtre Paris La Colline - Théâtre national
Pascal Greggory, Adama Diop, Arthur Nauzyciel, Frédéric Pierrot et Marie-Sophie Ferdane © Philippe Chancel

de Pascal Rambert / mes Arthur Nauzyciel

Publié le 2 octobre 2020 - N° 287

Dans sa nouvelle création, Pascal Rambert dénonce sous forme de fable la violence masculine à l’encontre des femmes. Portée par cinq comédiens magnifiques, la mise en scène d’Arthur Nauzyciel sert avec humour un texte qui ne convainc pas toujours.

Ils sont quatre frères. Quatre hommes qui travaillent dans la forêt et rentrent chez eux, le soir, où vit aussi leur servante, Marie. Lorsque chacun vient s’asseoir à la table et se présente, par ordre de primogéniture, leurs rivalités éclatent, dans une sorte de concours de virilité où chacun valorise son intelligence, sa force, ses outils ou son métier. La nuit venue, ces hommes frustres livrent dans leurs rêves l’immensité de leurs frustrations. Ils sont alors comme des enfants dont tous les désirs convergent vers Marie, chacun voulant la retrouver, la posséder. Mais un jour, Marie se venge et se libère. Pour dénoncer la violence masculine à l’encontre des femmes, ce thème si contemporain, Pascal Rambert passe par le détour de la fable. Il y a quelque chose d’archaïque dans cette fratrie nourrie de réminiscences de contes pour enfants, de Boucle d’Or à Blanche-Neige en passant par Le Petit Poucet ou même Barbe-Bleue. Quelque chose de la tragédie grecque aussi à la fin de la pièce, avec sa scène de cannibalisme à la Thyeste. Organique, le texte oscille sans cesse entre images poétiques et concret le plus trivial, fusionne réel et fantasme, fait parler les personnages aux objets (portes ou lattes de parquet) quand ce ne sont pas les objets eux-mêmes (masque ou bol de soupe) qui parlent aux humains. Pour porter au plateau cet écheveau de références et de styles, il fallait sans doute un familier du théâtre de Pascal Rambert. Son ami Arthur Nauzyciel, pour qui le texte a été écrit et qui a plusieurs fois joué pour lui, est à cet égard la personne idoine.

Entre onirisme et naturalisme

Sa mise en scène épouse le texte et se joue des oxymores. Il ose le contraste entre l’univers de la forêt, symbolisé à jardin par un entrelacs de troncs de bois, et l’intérieur de la maison, matérialisé par un mur incurvé en métal, où seule la volute d’un escalier qui s’échappe à cour apporte l’espoir d’une libération. En respectant le mélange entre onirisme et naturalisme, sa mise en scène provoque souvent le rire, même s’il n’est peut-être pas toujours voulu, tant les deux mondes s’entrechoquent. La danse des scies électriques, la déclaration d’amour à une échelle affublée de chanvre en guise de sexe constituent autant de saynètes improbables dans un univers violent aux allures de Massacre à la tronçonneuse. Avec quel talent les cinq comédiens, Pascal Greggory, Adama Diop, Arthur Nauzyciel, Frédéric Pierrot et Marie-Sophie Ferdane savent alterner l’intime et l’épique, l’humour et l’effroi. Avec quel engagement ils se donnent dans cette pièce où les corps – corps nus, frappés, souillés – sont présents.  Ils font ainsi passer les longueurs d’un texte qui ne convainc pas toujours. Plus drôle qu’Architecture, la précédente pièce de Pascal Rambert, moins prétentieuse aussi, Mes frères tombe cependant dans le même travers : le flot de paroles qui dilue le discours, le rendant parfois hermétique au point que de nombreux spectateurs quittent le spectacle. « Le fantasme ne se satisfait pas de vitesse mais de lenteur », dit un des personnages. Pas sûr que le propos s’applique au texte qui, resserré, gagnerait en pertinence.

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

Mes frères de Pascal Rambert, mise en scène Arthur Nauzyciel
du mercredi 30 septembre 2020 au mercredi 21 octobre 2020
La Colline - Théâtre national
15 rue Malte-Brun, 75020 Paris

Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30. Tél. : 01 44 62 52 52. Durée : 2h40.

 

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