Back in Miles
1986. Miles Davis sort “Tutu”, l’album du renouveau qui le réinstalle sur le haut de l’affiche. Aux manettes et à la composition de ce disque-référence du jazz moderne, un jeune bassiste virtuose : Marcus Miller. Près d’un quart de siècle plus tard, le jeune homme a fait du chemin, est devenu le maître incontesté de la basse électrique et a joué avec tous les grands noms de la musique. Il revisite cet album culte. Evénement.
Comment vous est venue cette idée de « revisiter » “Tutu” ?
Marcus Miller : Ce sont les responsables de l’exposition sur Miles Davis à la Cité de la Musique qui me l’ont proposé. Je n’étais pas sûr d’aimer cette idée car je me suis demandé ce que Miles en aurait pensé. Ce n’était pas le genre d’homme à se retourner vers le passé. L’idée était séduisante si j’arrivais à créer quelque chose de nouveau. J’ai donc décidé de m’entourer d’un groupe de musiciens très jeunes. Je voulais trouver à leur contact une nouvelle dynamique afin de rendre contemporaine la musique de “Tutu”. Je me suis dit que Miles aurait été en accord avec cette démarche. Et puis c’est devenu quelque chose d’incroyable : on était censé ne faire qu’un concert, mais des gens du monde entier ont été emballés par cette idée… et on se retrouve à partir en tournée pour trois mois !
« J’ai décidé de m’entourer d’un groupe de musiciens très jeunes. »
Pouvez-vous nous dire un mot sur ces jeunes musiciens ?
M.M. : Sean Jones, à la trompette, est un musicien incroyable de Pittsburgh. Je suis vraiment impatient de le faire découvrir au public français. Alex Han, je l’ai rencontré lors de ma résidence à l’Université de Berkeley il y a deux ans. Quand j’ai entendu ce gosse jouer du saxophone alto, j’étais ébahi (rires) ! Il a eu son diplôme l’an dernier et je suis très content qu’il puisse faire la tournée avec nous. A la batterie, ce sera Louis Cato, un garçon ultra doué capable de jouer aussi de la basse et du trombone. J’espère ouvrir de nouvelles portes avec tous ces musiciens.
Vous aviez réécouté “Tutu” après l’avoir enregistré ?
M.M. : Quand il est sorti, je l’écoutais partout malgré moi : c’était un disque très populaire, il passait même dans les restaurants ! Puis, j’ai préféré m’en détacher pour pouvoir continuer à « grandir ». Je me suis remis à l’écouter pour préparer cette tournée, d’autant que, mis à part le morceau Tutu, je n’avais jamais vraiment joué ces chansons. Je ne jouais pas dans le groupe de Miles Davis à l’époque et j’allais le voir en concert jouer mes morceaux (rires) !
Dans votre dernier disque, “A Night In Monte-Carlo” (Dreyfus Jazz), vous jouez avec un orchestre symphonique, c’était un rêve ?
M.M. : Avant que Jean-René Palacio (directeur artistique de la Principauté de Monaco) me le propose, je n’y avais jamais songé ! J’avais déjà travaillé avec des orchestres pour des bandes originales de film ou lors du projet « When Opera meets Jazz », mais là je suis véritablement tombé amoureux du son de l’orchestre.
D’ailleurs vous avez spécialement réorchestré votre version de Strange Fruit parue sur “Tales” en 1995…
M.M. : Oui tout à fait, je voulais aller plus loin et je savais qu’Herbie Hancock allait apporter quelque chose de différent. Je trouvais que Strange Fruit se prêtait parfaitement à ce genre d’arrangements. C’est une chanson très particulière qui parle quand même de corps noirs pendus aux arbres. Une si belle chanson écrite à partir d’une chose aussi horrible, c’est quelque chose de très intense. C’est pour cette raison que je joue le thème à la clarinette basse car c’est un instrument à la sonorité très mélancolique.
Propos recueillis par Mathieu Durand
Lundi 28 juin à 20 h à l’Olympia. Tél. 08 92 68 33 68. En première partie : Kyle Eastwood.