Maître Puntila et son valet Matti
Reprise / Théâtre d’Ivry Antoine Vitez / De Brecht / mes Guy Pierre Couleau
Publié le 18 décembre 2012 - N° 205Guy Pierre Couleau réunit une superbe troupe pour interpréter Maître Puntila et son valet Matti. Un spectacle réussi, même si le texte de Brecht souffre de quelques longueurs didactiques…
Les hommes auront de bons maîtres lorsque chacun pourra être le sien. L’ultime réplique de cette pièce, dans laquelle Brecht explore une thématique maintes fois illustrée avant lui, en explicite la leçon : la fin de l’Histoire doit permettre l’avènement d’une société sans classe, qui rendra caducs les rapports de domination. Il ne s’agit pas seulement de renverser les maîtres, mais d’en faire disparaître l’idée et la possibilité. C’est pourquoi Matti, le valet, ne rentre jamais dans le jeu pervers de Puntila. Lorsque celui-ci, ivre, prend le masque du bon maître, ou quand il joue les despotes, à jeun, Matti refuse d’être le jouet de son théâtre des affects. Mieux encore, lorsque la fille de Puntila, Eva, croit qu’elle aime le domestique de son père, celui-ci lui explique qu’elle ne pourra jamais être femme du peuple, puisqu’elle est enfermée dans un ethos inconciliable avec le mode de vie des petites gens. Tout cela est assez vite compréhensible. Brecht varie, certes, les modalités de l’exposé, de la poétique parabole du prisonnier refusant les vivres mendiés par sa mère à sa patronne (interprétée avec maestria par Nolwenn Korbell), aux scènes comiques voire farcesques de la pièce. Mais sa répétition appuyée finit par être pesante. Lorsque Brecht tourne au maître d’école, il lasse autant que les maîtres que fera disparaître le communisme triomphant…
Une mise en scène qui transcende le texte
Reste que Guy Pierre Couleau réussit à alléger le sermon, notamment en confiant à Pierre-Alain Chapuis et à Luc-Antoine Diquero les rôles du maître et du valet. Les deux comédiens les habitent avec une aisance, une truculence et une authenticité remarquables. Autour d’eux, le reste de la distribution est à la hauteur de leur qualité d’interprétation : tous réussissent, de scène en scène, à maintenir l’attention et le suspense. La scénographie de Raymond Sarti y contribue également : le décor modulable offre au plateau les conditions d’une variabilité incessante, créant de beaux tableaux inattendus. Guy Pierre Couleau choisit un registre comique proche du burlesque, appuie intelligemment les traits du grotesque, et joue avec efficacité des clins d’œil au cinéma muet. En adroite référence également aux cabarets où se produisait le « clown métaphysique » dans le Berlin des années 30, Nolwenn Korbell chante entre les scènes. Par l’adresse émouvante à la salle, l’interprète fait exploser le quatrième mur. Sa voix gouailleuse et sa séduction chaloupée viennent rappeler qu’on est d’abord et avant tout au spectacle. Au-delà de la leçon politique et de la réflexion anthropologique, Guy Pierre Couleau réussit à imposer l’émotion et le rire : fidèle à Brecht en son projet, parvenant même à transcender les lourdeurs didactiques de son texte.
Catherine Robert
A propos de l'événement
Maître Puntila et son velet Mattidu lundi 7 janvier 2013 au dimanche 3 février 2013
Théâtre d'Ivry Antoine Vitez
1 rue Simon Dereure, 94200 Ivry-sur-Seine
Du 7 janvier au 3 février. Du mardi au samedi à 20h sauf jeudi à 19h,le lundi 7 janvier à 20 h, dimanche à 16 h, relâche le 9. Réservation auprès du Théâtre des Quartiers d’Ivry : 01 43 90 11 11. Durée : 3h. Spectacle vu à la Comédie de l’Est.