La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Luc Bondy

Luc Bondy - Critique sortie Théâtre
Crédit : David Baltzer Légende : « Luc Bondy met en scène Les Chaises de Ionesco.»

Publié le 10 septembre 2010

Comment rendre visible une œuvre

Rêve lumineux ou cauchemar sensible, comédie ou tragédie, comment danser avec Les Chaises de Ionesco ? Luc Bondy s’attache à travers cette pièce mythique à explorer la dérision et l’extravagance de l’imaginaire dans l’homme.

« Je vois Les Chaises comme la plus belle pièce de Ionesco car elle évoque des obsessions universelles : la vieillesse, la décrépitude, et tous les fantasmes qui en découlent. »
 
Que représente pour vous l’œuvre de Ionesco ?
Luc Bondy : Ionesco est l’inventeur d’un nouveau théâtre après la Seconde Guerre mondiale. L’invention consiste à utiliser les formes anciennes en les « mettant sur la tête ». Paradoxalement, une certaine logique « ionescienne » est devenue pour nous, plus réaliste. Nous n’entrevoyons plus un monde exclusivement onirique pour cadre de ses pièces. Elles commencent dans un contexte « normal » et évoluent en décollant on ne sait où. Avec Les Chaises, c’est un peu différent : il existe à la fois une mélancolie et une cruauté dans l’histoire de ces deux Vieux qui terminent leur modeste vie dans une éclatante soirée fantomatique. Ces deux êtres se libèrent de leur solitude en imaginant une multitude d’invités et un Orateur qui dira des choses essentielles au Monde. Naturellement, ce personnage n’est pas évident car il représente une polémique anti-brechtienne, celle qui refuse le Message final. Aujourd’hui, l’anti-message peut vite en devenir un : il va falloir se creuser la tête pour trouver une parade poétique et non théorique. Je vois Les Chaises comme la plus belle pièce de Ionesco car elle évoque des obsessions universelles : la vieillesse, la décrépitude, et tous les fantasmes qui en découlent.
 
Vous aviez déjà mis en scène Les Chaises en 1972.
L. B. : À l’époque, je prenais moins de soin aux détails : l’idée des invités, imaginés par les deux Vieux, m’intéressait en tant que forme. Aujourd’hui, je désirerais rendre les invisibles plus visibles grâce au jeu des acteurs, et je voudrais voir cette vieillesse réaliste et tangible. Comment vont-ils bouger et communiquer entre eux, ces deux « ultra-symbiotiques » ? L’habitude de la vie en commun les a dépersonnalisés ; ils sont devenus UN, mais rêvent encore de sexualité, comme les vieux de Beckett dans Premier Amour.Je pense très bien communiquer, en peu de mots, avec les comédiens « physiques » que sontDominique Reymond et Micha Lescot. Ils ont de l’humour sur scène et même dans la vie, ce qui est rare.
 
Quel est le théâtre que vous défendez ?
L. B. : Je ne suis pas un « combattant » de cette forme ou de cette autre. J’admire ce dont je serais incapable. Les formes de Robert Lepage m’enthousiasment, celles de Bob Wilson me font rêver, j’envie l’apesanteur de James Thierrée et la musicalité de Marthaler, j’admire la prouesse et la radicalité des visions de Chéreau. Et si je parviens à oublier que j’existe car ce qui existe sur le plateau m’enchante, je suis libéré. Le style qui ne s’applique ni ne s’apprend appartient au corps des acteurs comme à celui des metteurs en scène. Plutôt classique, je dois faire confiance aux situations. Le metteur en scène se démène avec les acteurs sur le plateau. Il sent les acteurs physiquement, il saisit leurs difficultés à transposer le texte et l’imaginaire de l’auteur, comme sa propre interprétation visuelle et intellectuelle. Il n’est pas un homme de pouvoir mais au meilleur de lui-même, un grand chef d’orchestre !
 
Propos recueillis par Véronique Hotte


Les Chaises, d’Eugène Ionesco ; mise en scène de Luc Bondy ; Festival d’Automne à Paris ; Du 29 septembre au 23 octobre 2010 à 21H ; dimanche 16h. Théâtre Nanterre-Amandiers 7, avenue Pablo Picasso 92022 – Nanterre Cedex. Réservations : 01 46 14 70 00 www.nanterre-amandiers.com

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