Ce que j’appelle oubli
Angelin Preljocaj invite six danseurs et un [...]
Une œuvre qui échappe totalement aux conventions de la représentation du mouvement dansant, et qui englobe son propre discours réflexif. Une magistrale métamorphose des corps et des regards.
On ne ressort pas indemne de Low Pieces, créé l’année dernière par Xavier Le Roy, tant la charge puissante des corps embarque dans un voyage flottant, vite balayé par la mise en place d’un échange systématique avec le public. C’est ainsi que Xavier Le Roy a composé le spectacle : des séquences de danse où prime le corps, mis à nu sans aucun artifice spectaculaire, musical ou scénographique, entrecoupées par des moments de dialogue à bâtons rompus entre le spectateur et les neufs performeurs. L’exercice de style est périlleux, et peut vite tourner au vinaigre tant le regard est questionné, autant que la place du spectateur, dans une forme d’inconfort qui porte au malaise. Il peut advenir à ce moment-là que le spectacle soit dans la salle, situation regrettable quand on songe à ce qui se passe sur scène.
Le corps fixateur des dualités de notre monde
Sur le plateau, les propositions chorégraphiques de Xavier Le Roy sont en effet un phénomène à elles toutes seules. Radicales, sans concessions, elles montrent, dans la veine de son solo Self unfinished écrit en 1998, les métamorphoses du corps débarrassé de tout vocabulaire gestuel, de tout code, de toute technique, de tout artifice et de tout apparat. Les danseurs progressent en une sorte d’informe communauté, à peine humaine, parfois végétale, parfois minérale, quand elle n’est pas carrément animale ou mécanique. Ils maîtrisent les états de corps à la perfection, évoluant dans des paysages flottants, écrivant une poésie singulière du corps où celui-ci donne la sensation d’échapper à tout, tout en englobant le monde. Chaque scène fait image, provoque le regard, et donne à voir des possibilités d’être au monde dans des comportements et des modes de relations spécifiques. A ce jeu, Xavier Le Roy touche. Il interroge les dualités objet-sujet, humain-non humain, renverse les corps et les regards et questionne notre propre position. Tout comme dans les moments de dialogue, où finalement nos modes de communication et d’être ensemble étaient mis à mal…
Nathalie Yokel
Angelin Preljocaj invite six danseurs et un [...]