La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

L’Orestie

L’Orestie - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Alain Fonteray Légende photo : Electre aux prises avec la piété meurtrière, dans L’Orestie d’Olivier Py.

Publié le 10 juin 2008

Olivier Py met en scène L’Orestie avec une aisance parfois insolente, en créateur d’images et en iconoclaste, inventant une vision renouvelée du bain de sang matriciel.

Meurtre de l’époux pour prix du sacrifice de la fille, meurtre du cousin pour laver l’humiliation gastronomique du père, meurtre de la mère pour restaurer l’honneur paternel : les Atrides, pris dans les rets de la vengeance, font couler le sang de génération en génération, transformant le palais d’Argos en autel rougeoyant et funèbre. Oreste, le dernier survivant de cet implacable destin, trouve le salut et le repos dans le giron athénien, acquitté par l’Aréopage et enfin soulagé du cortège des Erinyes, devenues bienveillantes grâce à Athéna, la déesse sourde à la colère posthume de Clytemnestre puisqu’elle est née sans mère. S’emparant de cette vaste trilogie qui met en scène hommes et dieux au chevet du monde ancien de la guerre, de la haine et de la violence vengeresse et au berceau d’un monde nouveau de concorde, de justice et de paix, Olivier Py signe un spectacle qui, en sa forme, joue intelligemment de cette tension entre l’ancien et le nouveau, jusqu’à oser une lecture qui pourrait sembler intempestive et anachronique si elle n’était pas soutenue par une intelligence évidente du texte et un humour dont le kitch assumé permet de rompre l’angoissante tension de la tragédie.
 
Un spectacle jouant des contrastes et de la dialectique des effets
 
Une DS pour ramener Agamemnon de Troie, une cuisinière pour évoquer le banquet monstrueux de Thyeste, deux oliviers descendus des cintres pour enraciner la rationnelle conclusion qu’Athéna apporte à l’épopée monstrueuse, des cloches fort chrétiennes pour accompagner la disparition dans le ventre infernal de la scène des acteurs à la fin de la tragédie : Py joue des symboles avec une légèreté iconoclaste qui rompt avec la componction habituellement de mise face à l’antique ! Mais l’irrespect n’est qu’apparent et le soin qu’apporte le metteur en scène (qui a retraduit le texte d’Eschyle avec une belle aisance) à ménager les effets tragiques est des plus efficaces. Scène du récit de la nouvelle de la ruine de Troie portée par la flamme des guetteurs remarquablement interprétée par Nada Strancar, tableau savamment composé du double meurtre de Clytemnestre et d’Egisthe, incroyable force d’Anne Benoit en coryphée des Erinyes réclamant son dû face à l’Aréopage : les images créées forment ensemble un spectacle qui gagne en force au fur et à mesure des trois parties, lorsque la mise en scène devient plus économe et plus souple. Les comédiens, dont la puissance dramatique puise dans l’horreur des situations, poussent la tragédie jusqu’à un point d’incandescence que le chœur, qui chante en grec ancien avec un talent vocal assuré, vient apaiser avec un intelligent sens de l’équilibre (mieux peut-être que la pluie continuelle qui a tendance à transformer la scène en un insistant bourbier). Audacieuse, et de ce fait intéressante car discutable, la proposition d’Olivier Py est à découvrir.
 
Catherine Robert


L’Orestie, d’Eschyle ; texte français et mise en scène d’Olivier Py. Du 15 mai au 21 juin 2008. Spectacle en deux parties ou en intégrale. Agamemnon le mardi et le jeudi à 20h. Les Choéphores et Les Euménides le mercredi et le vendredi à 20h. Intégrale le samedi et le dimanche à 16h. Relâche le lundi. Odéon-Théâtre de l’Europe, Théâtre de l’Odéon, place de l’Odéon, 75006 Paris. Réservations au 01 44 85 40 40.

A propos de l'événement


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