Tartuffe
Luc Bondy marie la mise en scène de son [...]
Les jeunes membres de la compagnie Future noir s’emparent de la réécriture d’Hamlet, et plongent dans les eaux noires d’une mélancolie trash : quelques maladresses mais de solides promesses…
Tuer le père et choisir ses pairs, se faire l’héritier de ses maîtres sans demeurer prisonnier de leurs volontés testamentaires, faire du nouveau après s’être nourri de l’ancien, s’extirper de la pourriture des royaumes dont on est le prince – au Danemark comme ailleurs – : la gageure est celle de tout débutant qui a l’ambition bien naturelle de renouveler l’art dont il a choisi d’être le serviteur. Jules Audry est de ceux-là, forcément sympathique, puisque la jeunesse l’est toujours, forcément brouillon, car elle l’est souvent. Sa proposition de réécrire Hamlet pour en adapter le propos à un monde futuriste glauque et pervers a le défaut du trop-plein. Les jeunes comédiens sont encore un peu verts, et leur désir de tout montrer de ce qu’ils ont appris tourne à la maladresse démonstrative. Les répliques dites en anglais ont du mal à s’extirper du carcan de la prononciation à la française, et la provocation pornographique relève d’une assez pâle copie de ce que les outrances de la scène contemporaine ont déjà exposé.
Pépites pour un or futur
On a donc, surtout au début du spectacle, l’impression d’un déjà-vu, qu’une lucide autocritique permettrait d’élaguer : en choisissant d’être plus économe, l’ensemble serait plus incisif. Cela étant, ces défauts sont largement compensés par des qualités et des trouvailles qui font apparaître de réels talents, que le temps et l’obstination à jouer et à penser l’art du théâtre aiguiseront nécessairement. La scénographie de Jeanne Boujenah réserve de belles surprises dans le déplacement des praticables du décor, et offre, par ses transformations, un rythme enlevé à l’intrigue. Quelques scènes, dont celle du duel entre Claudius et Hamlet ou celle du chœur disant les paroles du fantôme du père, sont esthétiquement abouties. Celles où dialoguent Horatio et Hamlet et celle où la caméra sert la vengeance contre le roi félon sont efficaces et finement interprétées. Le spectacle gagne en qualité au fur et à mesure que l’action se déroule et que les affèteries initiales s’estompent. L’ensemble finit par convaincre, et l’évidence du talent couronne cette prometteuse entrée dans la carrière.
Catherine Robert
Du mardi au samedi à 21h15 ; le dimanche à 17h. Tél. : 01 48 06 72 34. Durée : 1h20.