Avignon / 2016 - Entretien / Nicolas Bonneau
Looking for Alceste
D’après Le Misanthrope de Molière / conception Nicolas Bonneau
Publié le 26 juin 2016 - N° 245Fidèle à son théâtre fondé sur le réel, Nicolas Bonneau enquête sur la misanthropie aujourd’hui, à partir du texte de Molière. Une manière d’interroger au fil du temps le rapport entre soi et les autres.
Pourquoi avez-vous voulu imaginer une enquête à propos du Misanthrope ?
Nicolas Bonneau : D’habitude, mes spectacles sont nourris de la parole des gens que je rencontre, le réel est ma matière première, comme pour Sortie d’usine ou Ali 74. Je voulais me saisir d’une autre matière, partir d’un texte existant, et, qui plus est, d’un texte classique, et le confronter à ma méthode de travail. Très vite, j’ai choisi Le Misanthrope, parce que c’était le texte de répertoire français qui me parlait le plus, adolescent déjà, et à quarante ans maintenant. Ce texte est venu résonner avec mes préoccupations de quarantenaire : où en sont mes amitiés ? Est-ce que j’ai trahi l’adolescent que j’étais ? Quel est mon rapport aux autres, à la vérité et à la sincérité ? Etre ou paraître ? Partir ou rester ? Finalement, j’ai réalisé une enquête sur mes propres tentations misanthropes et sur la misanthropie aujourd’hui.
Comment le texte de Molière s’associe-t-il à votre démarche artistique ?
N. B. : Je n’aborde pas toutes les thématiques du Misanthrope, l’amour y est très peu présent. J’ai choisi d’aborder la fable politique. Je me suis inspiré du synopsis de la pièce, et finalement, ce qui m’a le plus intéressé, c’est l’après : puisqu’Alceste part, j’ai eu envie de le suivre et de savoir où il allait. Comme un double fantasmé. Dans quel désert part-il se réfugier ? De là, nous allons à la rencontre des Alceste d’aujourd’hui, et je retrouve ma méthode de travail : rencontrer, relater, incarner ces figures. Au final, le texte original est présent comme un poème, comme des échos qui surgissent dans la tête du narrateur…
« Le texte original est présent comme un poème, comme des échos qui surgissent dans la tête du narrateur… »
Comment avez-vous structuré le texte ?
N. B. : Il y a une longue scène qui raconte un anniversaire, c’est celle qui colle le plus à la pièce de Molière. Puis l’enquête est menée par le narrateur qui part à la rencontre de figures de misanthropes. J’essaie de parler d’une certaine conception du monde, de la fuite comme un acte de courage, un acte politique de résistance, que ce soit dans la spiritualité, dans l’imaginaire ou dans une communauté. Fuir le monde devient alors une façon d’y entrer vraiment : être au plus près de soi, sans se mentir, et renoncer aux paillettes de l’hypocrisie sociale. C’est ce tiraillement que je veux raconter, et c’est aussi ce tiraillement qui vient chercher le spectateur et qui crée humour et émotion.
Qui sont les comédiens et comment prennent-ils en charge le texte ?
N. B. : Je voulais au départ qu’il y ait trois comédiens, et une fois encore je me retrouve à jouer seul les différents personnages… Misanthropie oblige ! Comme dans une comédie baroque, il y a de la musique ; la pianiste et chanteuse Fannytastic (qui est aussi la compositrice) et la violoncelliste Juliet Divry viennent ponctuer le récit, l’appuyer, l’orienter, telles des Parques se jouant du destin des Hommes…
Propos recueillis par Agnès Santi
A propos de l'événement
Looking for Alcestedu mercredi 6 juillet 2016 au dimanche 24 juillet 2016
La Manufacture
2 Rue des Écoles, 84000 Avignon, France
La Patinoire
à 12h20. Tél. : 04 90 85 12 71. Durée : 2h trajet navette compris. Départ du 2 rue des écoles.