PRLMNT # I & II
Le metteur en scène Christophe Bergon et [...]
Emmanuel Demarcy-Mota et ses fidèles reprennent la pièce de Camus, qui ausculte les ravages de la peur et du désarroi et imagine les moyens d’y résister, grâce à la vigilance d’une intelligence sereine.
L’art peut-il contribuer à faire reculer les ténèbres et avancer la pensée ? L’Etat de siège a pour origine une commande de Jean-Louis Barrault à Albert Camus, après que la nuit était tombée sur l’Europe. Dès 1942, le metteur en scène sollicita la plume et la lucidité de l’écrivain, mais le spectacle ne fut créé qu’en 1948. Echec retentissant à l’époque, comment ne pas se réjouir du succès, la saison dernière, de sa reprise, mise en scène par Emmanuel Demarcy-Mota ? Ce succès conduit aujourd’hui le Théâtre de la Ville à programmer à nouveau ce spectacle. Sonnent actuellement de nouvelles alarmes qui menacent l’Europe ; populismes et fascismes renaissent de cendres que l’on croyait éteintes après les horreurs du siècle passé, et cette création est un geste de résistance aux complaisances aveugles et cyniques du moment. Emmanuel Demarcy-Mota dit sa conviction d’un théâtre des passions nobles : « Il est évident que chacun connaît une phase d’épuisement, une érosion de soi. Mais comment reconquérir la joie et surmonter le désarroi, comment retrouver les ressorts d’un courage individuel, sans se complaire dans la seule exemplarité ? La question est cruciale aujourd’hui, et Camus y répond. Parce que l’être humain peut être courageux et solidaire, il faut lui rappeler qu’il peut l’être. Camus me conforte dans ce travail théâtral pour aujourd’hui. »
Prophylaxie de la clairvoyance
Qui est la peste ? « Ce peut être n’importe qui, dit le metteur en scène, il peut même avoir un visage sympathique. Il peut prendre le visage de quelqu’un de normal et tout reprendre à son compte. La peste a un visage humain. Toujours… Camus le dit d’ailleurs : « Je sais de science certaine que chacun la porte en soi, la peste, parce que personne, non, personne au monde n’en est indemne. » Le thème de la pièce est celui de la peur. La pièce se situe dans une ville où les alarmes se déclenchent : on comprend que la peste est présente et qu’elle va se répandre. Un monde d’acceptation et de normalisation va se mettre en place, organisé par la peste. Mais Diego et Victoria résistent. Victoria, la victoire, vainc sa propre peur pour accepter un dialogue avec elle-même ; elle va croire en l’amour, en l’autre ; elle a besoin d’une promesse pour que le monde ne coure pas à sa perte. » Diego et Victoria sont la jeunesse et c’est avec elle qu’il faut penser la possibilité d’un nouvel enchantement du monde. Le directeur du Théâtre de la Ville, qui ouvre largement sa maison et sa programmation au jeune public le prouve et, avec ce spectacle, en scelle l’impérieuse nécessité.
Catherine Robert
Du mardi au samedi à 20h30 ; le dimanche 25 mars à 15h. Tél. : 01 42 74 22 77.
Le metteur en scène Christophe Bergon et [...]