La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Terrains vagues

Les Terrains vagues - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Cité Internationale
Les Terrains vagues © Jean-Louis Fernandez

Théâtre de la Cité Internationale / D'après les frères Grimm / Texte et mes Pauline Haudepin

Publié le 26 novembre 2018 - N° 271

Les Terrains vagues, écrit et mis en scène par la jeune Pauline Haudepin à partir du conte Raiponce des frères Grimm, est plein de promesses.

Raiponce, la princesse aux cheveux merveilleusement longs des frères Grimm, rendue célèbre par les studios Disney, trouve dans le travail de Pauline Haudepin une déclinaison singulière. Le conte éponyme vire à la fable d’anticipation. Les herbes miraculeuses tournent drogues hallucinogènes. La tour isolée s’installe au milieu d’un terrain vague. Et la méchante sorcière se transforme en travesti aigre-doux à grande robe rouge. Le but n’est pas d’inventer une version trash ou provoc du conte pour autant. Pauline Haudepin, comédienne metteure en scène, fraîchement diplômée de l’école du Théâtre National de Strasbourg, a écrit Les Terrains vagues lors de la deuxième année de sa formation. Travaillant avec des artistes et techniciens du groupe 43, sa promotion, elle s’est inspirée du récit des frères Grimm comme s’il était un vieux coffre où elle aurait puisé thèmes et motifs pour composer un spectacle très personnel. C’est pourquoi ses Terrains vagues ne s’adressent pas aux enfants. Il s’y déploie un monde rugueux, sombre et poétique, une marge en friche interlope et onirique où la curiosité, l’amour et la beauté tentent de continuer à fleurir malgré le chaos, la violence et la peur, comme des plantes rares cherchant à pousser envers et contre tout, au milieu des mauvaises herbes de notre humanité.

Entre le conte, le punk, l’architecture, l’allégorie

Tant elle le jugeait abouti et pour la singularité novatrice de son écriture, l’équipe du TNS a décidé de contribuer à faire sortir ce spectacle de l’écrin confidentiel de l’école. Certes, la fragmentation d’une fable traitée par ellipses perd trop le spectateur. Certes, la poésie du texte paraît parfois forcée et se fait un peu trop entendre. Mais Les Terrains vagues construit également un univers prégnant, kaléidoscopique, aux formes rarement arpentées par le théâtre. Aux frontières du réel et du politique, nous voilà projetés dans les bas-fonds de la société en même temps que l’on s’élève dans le rêve. Ici, beaucoup fait écho à aujourd’hui tout en y échappant sans cesse. On navigue entre le conte, le punk, l’architecture, l’allégorie. On interroge la capacité à renaître de notre civilisation déjà perdue et l’on redécouvre les territoires oubliés de l’enfance. Spectacle aux multiples facettes donc, Les Terrains vagues égare parce qu’il parle sans cesse au spectateur. Il déploie un espace sauvage, à l’image du texte lui-même, libre, intrépide, pas domestiqué, plein de mauvaises graines, de celles, si rares, d’où naissent les formes nouvelles.

Eric Demey

A propos de l'événement

Les Terrains vagues
du jeudi 29 novembre 2018 au mardi 11 décembre 2018
Théâtre de la Cité Internationale
21 Bd Jourdan, 75014 Paris

à 20h30, le jeudi et le samedi à 19h30. Relâche le mercredi et le dimanche. Durée : 1h30. Spectacle vu au Théâtre National de Strasbourg.

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