Les Témoins de Yann Reuzeau
Dans le sillage de Chute d’une nation, Yann [...]
Emmanuel Demarcy-Mota réussit une fascinante mise en scène des Sorcières de Salem qui en ménage le suspense avec talent et installe une tension palpable : une complète réussite !
En 1692, à Salem, en Nouvelle-Angleterre, Elisabeth renvoie sa servante, Abigail, parce qu’elle a séduit son mari, John Proctor. Pour se venger de sa patronne, Abigail organise, au plus profond de la forêt, une bacchanale nocturne. Les jeunes filles sont surprises nues et en transe par le pasteur Parris. Pour échapper aux sanctions et parce que la propre fille du pasteur, qui a participé à l’orgie, est plongée dans un coma hystérique, elles se prétendent victimes de sorcières servantes du Malin et entraînent la ville dans leur délire. Créée en 1953 à Broadway, la pièce d’Arthur Miller a connu un immense succès tant sur les planches qu’au cinéma. Gageure, donc, que cette reprise, plus de dix lustres après ! Emmanuel Demarcy-Mota réussit ce pari en confiant les personnages de cette tragédie émétique à des comédiens de grand talent, parmi lesquels Grace Seri (Mary Warren) brille particulièrement. Véritable œil du cyclone, elle cristallise toute la tension dramatique de la pièce dans les atermoiements d’un rôle qu’elle interprète à la perfection.
La terreur et la pitié
Les autres comédiens (Elodie Bouchez est une Abigail sensuelle et détestable à souhait ; Serge Maggiani un Proctor au hiératisme intéressant ; Sarah Karbasnikoff une Elisabeth passant habilement d’un puritanisme hautain à une vertu sacrificielle touchante) sont tous très justes et évoluent dans une scénographie extrêmement efficace. Les lumières particulièrement soignées (Christophe Lemaire et Yves Collet) font apparaître et disparaître les éléments du décor et les fantômes qui le peuplent avec une supérieure élégance. La composition de l’espace de jeu (Yves Collet et Emmanuel Demarcy-Mota) est belle et intelligente : tulles et panneaux mobiles permettent une présentation adroite de la création vidéo économe et suggestive de Mike Guermyet. L’indiscutable réussite de ce spectacle tient autant à la qualité de l’interprétation qu’à la parfaite pertinence technique de son écrin scénographique. La représentation fait naître la terreur et la pitié. Emmanuel Demarcy-Mota interroge avec une finesse éblouissante les affres de la trahison et du mensonge qui flétrissent ceux qui s’y laissent aller, par méchanceté ou par lâcheté, et finissent immanquablement par tuer ou laisser tuer. Le fanatisme irrationnel, surtout quand il contrefait la vertu, a des alliés très sûrs et des collaborateurs zélés parmi les pleutres, les naïfs et les frustrés. Impossible de sortir indemne d’une leçon aussi bien dispensée !
Catherine Robert
à 20h, relâche les 6 et 7. Tél. : 01 42 74 22 77. Durée : 2h. Spectacle vu au Théâtre de la Ville - Espace Cardin.
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