C’est comme une escapade. Comme une échappée libre et belle, belle et vivante, vivante et impétueuse. Comme l’avancée instinctive et désordonnée, furetante, d’un jeune chien au sein d’un parc, d’un bois. Ce chien pourrait être Margo, la setter lemon d’Isabelle Lafon dont l’indiscipline et l’exaltation constituent l’un des fils rouges du spectacle que la comédienne et metteuse en scène présente au Théâtre national de La Colline (après l’avoir créé, en juin dernier, au Printemps des Comédiens). C’est aussi comme un dépaysement. Comme passer de l’autre côté d’un miroir et, dans des espaces riches de détours et d’atermoiements, suivre les mouvements d’un théâtre qui chemine de biais, qui cherche à aller là où on ne l’attend pas en testant ses limites et ses capacités. Ce théâtre laisse apparaître en creux, en pointillé, une silhouette connue de toutes et tous : une icône de la littérature. On pourrait dire que Marguerite Duras hante plutôt qu’elle n’habite Les Imprudents. Sa présence s’impose peu à peu, sans volontarisme, en jouant d’ellipses, de contrepoints, de clins d’œil, de digressions, de chimères.
Une présence qui s’impose sans s’affirmer
« Une boule de rire, une boule de vie, une boule de beauté », lâche rêveuse Isabelle Lafon au sujet de l’autrice avec laquelle elle s’imagine discuter dans sa maison de Neauphle-le-Château, engendrant une bulle fictionnelle d’une troublante intensité. Mais ce n’est pas tant la figure de l’écrivaine que vise à éclairer cette création tout en glissades, tout en dérapages contrôlés, mais plutôt la figure de l’intervieweuse précise et parfois bousculante qu’était Marguerite Duras. Femme engagée politiquement, en prise avec la société dans laquelle elle vivait, Duras a toujours essayé de donner la parole à celles et ceux qui ne l’avaient pas : une stripteaseuse, une lycéenne, des enfants trimballés de foyer en foyer, des familles de mineurs auprès desquelles elle est allée lire du Césaire, du Melville, du Michaux… Convoqués sur le plateau, tous ces personnages nous disent quelque chose — directement ou indirectement — de la femme qui s’est intéressée à eux. C’est à travers leurs mots, comme à travers les mots d’Edgar Morin, de Claude Roy, de Dionys Mascolo…, que les lignes de ce portrait nous happent et nous saisissent, de manière étrangement clandestine.
Manuel Piolat Soleymat
à 20h. Tél : 04 77 25 14 14. Durée de la représentation : 1h35. Spectacle vu à La Colline – Théâtre national à Paris.
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