La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Guêpes de l’été nous piquent encore en novembre

Les Guêpes de l’été nous piquent encore en novembre - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Rond Point
Sophie Cattani, Antoine Oppenheim et Michaël Pas entre absurde et métaphysique. Crédit photo : Giovanni Cittadini Cesi

Théâtre du Rond-Point / d’Ivan Viripaev / mes Sophie Cattani, Antoine Oppenheim et Michaël Pas

Publié le 25 mars 2015 - N° 231

Sophie Cattani, Antoine Oppenheim et Michaël Pas mettent en scène et interprètent une étonnante et singulière partition, qui mêle avec finesse art de l’absurde et profondeur métaphysique. 

Ivan Viripaev est un dramaturge russe qui a commencé à se tailler une réputation prometteuse avec des pièces originales, qui dynamitent les codes habituels et font flirter le théâtre avec la performance. Sophie Cattani, Antoine Oppenheim et Michaël Pas ont découvert son dernier opus alors que Tania Moguilevskaia et Gilles Morel étaient en train de le traduire. Ils ont été séduits par sa structure déroutante, qui s’appuie sur les principes du vaudeville, pour mieux les détourner. La trahison maritale devient crise existentielle et métaphysique, et le comique de l’absurde, tragique de l’angoisse. Sara, Robert et Donald sont installés dans la loge minable d’une compétition de tango. Sara et Robert viennent de réaliser leur prestation et rejoignent Donald, dont on ignore s’il attend une hypothétique partenaire ou ses deux amis. En fond de scène, un petit écran de télévision diffuse les étapes du concours auxquels ils participent. La conversation, d’abord anodine, vire au drame, de quiproquos en malentendus. On pourrait se croire chez Sarraute ou chez Pinter.

L’angoisse sans visage sous le masque du clown

Chez qui était Markus lundi dernier ? Telle est la question. Markus, le frère de Robert, est une sorte de Godot de l’adultère. Toute la conversation tourne autour de lui jusqu’à ce que Sara avoue qu’elle en est amoureuse. A ce moment, les règles classiques du vaudeville explosent. Il devient de moins en moins sûr que Markus trompe son frère et Sara son mari ; il devient même fort improbable que tous ceux que l’on convoque au téléphone pour attester les faits existent réellement. La spirale devient tourbillon. Apparaît en creux le grand vide existentiel qui taraude ces trois personnages : seul l’amour – mais il est défaillant et s’accommode de bien des compromissions – pourrait les sauver. La scénographie joue très intelligemment des lumières pour scander les étapes du chaos grandissant. Les trois comédiens – dont le jeu montre une évidente et très juste compréhension des enjeux du propos – interprètent avec finesse les atermoiements psychologiques et moraux de leurs personnages. La drôlerie se mâtine de mélancolie et de désarroi : le trio absurde adopte les traits de clowns naïfs et inquiétants, à la fois tendres, fragiles et effrayants. Ce spectacle offre l’occasion de découvrir l’écriture insolite d’Ivan Viripaev et le solide talent de ses trois interprètes.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Les Guêpes de l’été nous piquent encore en novembre
du mardi 17 mars 2015 au samedi 18 avril 2015
Théâtre du Rond Point
2 Avenue Franklin Delano Roosevelt, 75008 Paris, France

Du mardi au samedi à 21h ; le dimanche à 15h30. Tél. : 01 44 95 98 21. Durée : 1h15. Reprise les 12 et 13 mai à 20h30 au Théâtre du Merlan, à Marseille.

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