Les Ballets de Monte-Carlo reprennent Vers un Pays sage et Altro Canto1

Deux ballets, deux œuvres essentielles de Jean-Christophe Maillot composent ce programme où la vigueur des danseurs n’a d’égale que la volonté de son chorégraphe : Vers un Pays Sage et Altro Canto1.Si la première, créée en 1995, a forgé par son écriture l’identité qui deviendra celle des Ballets de Monte-Carlo, la seconde, qui date de 2006, magnifie une technique portée à son point d’incandescence.

Vers un Pays sage est une pièce très personnelle car elle rend hommage au père de Jean-Christophe, Jean Maillot, artiste peintre trop tôt disparu, à la force de création inouïe. Le titre du ballet reprend d’ailleurs celui d’une de ses toiles, et la scénographie joue sur la palette exceptionnelle de ce coloriste réputé. Mais c’est surtout son énergie intarissable et son amour de la vie qui sous-tendent cette pièce au rythme à couper le souffle sur la musique électrisante de John Adams. Est-ce dû au compositeur ? La chorégraphie a quelque chose de très américain, elle est comme post-balanchinienne avec sa rapidité époustouflante qui mène les danseurs à une cadence infernale et sa radicalité qui met la danse pure au centre de son propos.

Vers un autre paysage

Altro Canto1, au contraire, déploie une gestuelle en apnée sous une voûte de bougies qui donne à la pièce un caractère liturgique. Avec sa part de mystère et d’ombre, la chorégraphie accentue les détails, s’attarde sur les courbes et les déliés d’un mouvement au flux incessant. Tout en frémissements, en dissonances, en nervures délicates, le geste épouse les arabesques vocales de la musique de Claudio Monteverdi, tandis que les costumes signés Karl Lagerfeld étoffent une réflexion sur la duplicité du masculin et du féminin. Au-delà de la seule beauté formelle, Jean-Christophe Maillot laisse affleurer la complexité des émotions, l’alchimie des rencontres, et l’énigme des sensations, sans jamais tomber dans le pathos ou la narration.

Agnès Izrine