La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Gros Plan

Légendes de la forêt viennoise

Légendes de la forêt viennoise - Critique sortie Théâtre
Christoph Marthaler met en scène l’humanité désœuvrée, minée de nostalgie et de conventions hypocrites.

Publié le 10 septembre 2007

Christoph Marthaler transpose le drame d’Horvath dans le Berlin d’aujourd’hui et en affute le comique tranchant.

« Toutes mes pièces sont des tragédies, elles ne deviennent comiques que parce qu’elles sont inquiétantes » confiait Ödön von Horváth dans Gebrauchsanweisung (An das Publikum) en 1935. Comique, et tragique, oui… de voir le petit monde des Légendes de la forêt viennoise s’affairer mesquinement à survivre : spécimens opportunistes découpés dans le tissu lâche d’une classe moyenne paupérisée, les uns s’enivrent de valses et de schnaps, se calfeutrent dans leur flegme fataliste et leur bonne conscience, les autres se prélassent dans le fantasme d’un glorieux passé, peinturluré de nostalgie patriotique et de religion. Jusqu’à ce qu’un bookmaker veule et désoeuvré dynamite les conventions de cette micro-société de carton-pâte et arrache le masque des apparences pour en montrer le visage hideux. Empruntant les codes du drame populaire (Volksstück) pour mieux les détourner, Horváth observe en entomologiste cette humanité grouillant dans une rue commerçante de Vienne, avec ses égoïsmes, ses intrigues, ses compromis honteux et ses beautés.

« Rien ne donne autant le sentiment de l’infini que la bêtise humaine »

Celui dont les oeuvres attisèrent les flammes des autodafés, auteur « dégénéré », pointe la bêtise, infinie, de l’humain aux prises avec les turpitudes de la vie. Cette pièce, créée à Berlin en 1931, soit l’année où le NSDAP, le parti de Hitler, parade au Reichstag, sonne aujourd’hui comme un funeste présage… Christophe Marthaler, fin observateur des oubliés de la prospérité, des éternels retardataires de leur époque, s’empare de ces Légendes. Avec la scénographe Anna Viebrock, complice inséparable, le metteur en scène suisse brouille les lieux et les temporalités, plantant l’action entre une rue commerçante de la capitale autrichienne, la cour d’un immeuble de Marzahn – faubourg de Berlin-Est frappé par le chômage et foyer purulent de l’extrême droite – et dans le hall d’un vieux cinéma de Vienne. Nul doute que Christophe Marthaler fera tinter les éclats sombrement comiques d’un texte qui plane toujours comme une ombre inquiète sur demain.

Gwénola David


Geschichten aus dem Wienerwald (Légendes de la forêt viennoise), de Odön von Horváth, mise en scène Christoph Marthaler, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, du 4 au 6 octobre, à 20h30, au Théâtre National de Chaillot, place du Trocadéro, 75016 Paris. Rens. 01 53 65 30 00 et www.theatre-chaillot.fr. Spectacle en allemand surtitré en français.

A propos de l'événement


x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre