La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Vertige

Le Vertige - Critique sortie Théâtre
Robes de bure et grilles de fer pour femmes insoumises.

Publié le 10 septembre 2007

Galina Voltchek, metteuse en scène et directrice du Théâtre Sovremennik de Moscou présente Le Vertige d’après le roman autobiographique d’Evguénia Guinzbourg. Un rendez-vous avec l’Histoire dans la reconnaissance obstinée des valeurs universelles.

 Le Vertige est un avertissement sur la dictature et l’oppression qu’est capable d’infliger un État politique à sa cité, comme la terreur stalinienne qui broie cruellement l’existence d’Evguénia Guinzbourg. Ici, la coïncidence entre un destin personnel et un pan de l’histoire intérieure de l’ex-URSS. C’est l’occasion de la chronique d’une époque du culte de la personnalité à travers une communiste intellectuelle, professeur à l’Université de Kazan. Femme de Pavel Axionov, membre du secrétariat général du parti communiste de Tatarie et du Comité exécutif central des Soviets, Evguénia Guinzbourg est exclue du parti le 7 février 37, et arrêtée le 15 février. En cette « année noire » de répression, tout le monde peut être exclu, arrêté, déporté ou fusillé comme « trotskyste ». La terreur touche le parti dirigeant, l’armée, les paysans rétifs à la collectivisation et tout individu, même étranger à la politique, susceptible d’émettre des signes de mécontentement. On se méfie des « infiltrés », des espions fictifs venus des autres partis communistes, allemands, chinois, lettons, italiens, réfugiés à Moscou. On pousse chacun à dénoncer, à s’autocritiquer, à promettre une meilleure vigilance sans pitié. De 1929 à 1953, toutes les familles ou presque ont été concernées de près ou de loin par ces harcèlements de violence morale et physique.

Une leçon majestueuse de résistance et de foi contre l’absurde

Evguénia Guinzbourg, épouse et mère, qui n’avait jamais douté de la légitimité du parti, est condamnée à dix-huit ans de réclusion dans les camps de la Kolyma en Sibérie pour un crime politique imaginaire. Les agents staliniens auxquels elle a dû se confronter, d’interrogatoire en interrogatoire, n’ont jamais réussi à lui faire signer le procès-verbal mensonger. Une leçon majestueuse de résistance et de foi contre l’absurde, de la part des femmes, d’abord. Galina Voltchek donne à voir sur le plateau douze hommes maltraitant une quarantaine de femmes, fortes de leur certitude de l’honneur et la dignité. Evguénia dialogue avec ses sœurs d’infortune et de compassion dans la volonté de comprendre. Une scénographie de milieu carcéral brut, des lits de planche sommaires, des tables de bois, des gobelets en fer blanc, des sacs de toile, des baluchons, les prisonnières suivent un chemin de croix appliqué avant les wagons de train ou les bateaux pour leur transfert sibérien. Quand Staline meurt, un abîme s’ouvre, le Vertige provoqué par la prise de conscience de la fin de l’accumulation des exactions. Sur la scène, Paulina Miasnikova, détenue vingt ans et qui fut l’amie d’Evguénia Guinzbourg, se tient droite, une petite femme résistante et tenace, près de Marina Néélova, magnifique interprète du rôle-titre. Rescapée et messagère des victimes, loin de la haine et de l’oubli, elle réfléchit la vie.


Le Vertige
D’après le roman d’Evguénia Guinzbourg, mise en scène de Galina Voltchek, en français surtitré, les 11 et 12 septembre 2007 à 20h au Théâtre de Paris – Spectacle vu au Théâtre Sovremennik de Moscou.

La Cerisaie
De Tchekhov, mise en scène de Galina Voltchek, les 14 et 15 septembre 2007 à 20h au Théâtre de Paris 15, rue Blanche 75009 Paris Tél : 01 48 74 25 37

www.theatredeparis.com

A propos de l'événement


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