24 heures de la vie d’une femme
Le Théâtre de la Boderie explore l’écriture [...]
Avignon / 2016 - Entretien / Pierrette Dupoyet
Avec une impressionnante énergie et une inébranlable conviction, Pierrette Dupoyet propose comme chaque année trois œuvres en prise directe avec notre condition d’humain.
Comment avez-vous abordé L’Enfer de Dante ?
Pierrette Dupoyet : Avec beaucoup d’audace et un fol enthousiasme… L’Enfer est l’une de ces œuvres qui vous happent, vous tirent par la main, les yeux, le cœur, afin de vous faire réfléchir à votre condition d’humain. J’ai donc abordé cette œuvre avec une gourmandise humaniste. J’ai voulu éviter les clichés ; dans mon enfer il fait froid, il pleut, il gèle. J’avais d’ailleurs eu l’occasion de bavarder de cela avec Federico Fellini lorsqu’il m’a donné les droits d’adaptation de son film La Strada. Il préparait lui aussi une adaptation de L’Enfer et aimait bien cette idée d’Enfer tapissé de glace ! Il n’a pas eu le temps, malheureusement, de mettre ce film en route…
Pourquoi la recréer 30 ans après ?
P. D. : Parce que ce que décrit Dante est toujours d’actualité ! Savez-vous qu’il a mis en Enfer les « passeurs » que l’on voit transporter de pauvres hères dans une barque, leur voler leur argent et les jeter à l’eau… L’Homme ne change pas. Certains s’en désespèreront, moi pas ! Ce sont les façons éternelles qu’à l’Homme de se saisir de la vie pour en faire jaillir de la lumière qui méritent le combat. C’est humblement ce que j’essaie de faire dans ce spectacle : extirper notre part d’ombre et par l’alchimie des rencontres, des paroles, des sentiments, nous permettre d’accéder à cette parcelle d’éternité qui fait de nous des humains debout ! Les neuf cercles traversés vont réveiller en nous toutes sortes de sentiments, émotions, regrets, remords qui sont tout simplement humains.
« Accéder à cette parcelle d’éternité qui fait de nous des humains debout ! »
Qu’est-ce qui vous intéresse dans le parcours de Marie Curie ? ?
Pierrette Dupoyet : Marie Curie m’intéresse pour son parcours phénoménal de chercheuse, de pionnière, à une époque où les femmes n’avaient ni l’occasion ni l’espace pour s’exprimer vraiment librement, mais aussi pour sa façon de mener de front sa vie personnelle et son engagement scientifique. Elle a continué son parcours en solitaire pendant près de trente ans après la disparition de son époux. Dans le spectacle, on voit Marie Curie chercher, douter, s’interroger, être littéralement « habitée » par sa soif de progrès, et on la voit aussi avec ses deux filles.
De quelle manière adaptez-vous L’Etranger de Camus, votre création 2010 ?
P. D. : L’adaptation est évidemment très fidèle à l’oeuvre originale. J’interprète le personnage de Meursault. Ce qui me frappe dans L’Etrangerc’est le terrible « faisceau de circonstances et d’interprétations» qui fait basculer la vie d’un homme. Meursault est aussi victime de sa droiture, de son amour pour la vérité simple. Cette réflexion aigüe sur la justice et ceux qui la rendent m’interpelle au plus haut point.
Propos recueillis par Agnès Santi
Avignon Off. Théâtre Buffon. Marie Curie à 11h35.
L’Albatros, 29 rue des Teinturiers. L’Etranger à 14h30.
La Luna, 1 rue Séverine. L’Enfer à 18h05. Tél : 06 87 46 87 56 ou auprès des théâtres.
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