EVERYNESS
Au centre de la scène oscille une sphère [...]
Après le folklore affiché dans d’après une histoire vraie, et les danses de couple revues et corrigées dans Ad Noctum, Christian Rizzo boucle son cycle chorégraphique puisé dans les danses populaires avec le syndrome ian.
le Syndrome ian est a priori une « danse trouvée », piochée dans des souvenirs de clubbing, et devrait donc s’inscrire dans une forme tirant du côté du divertissement. Or c’est une danse profondément prenante, intelligemment menée et donc à classer dans une danse – certes d’origine populaire – mais tout à fait savante. Chez Christian Rizzo, on ne verra pas le moindre pas virtuose. Tout tient justement par un contrepoint habilement mené : assonances, dissonances et fausses relations parsèment la pièce, lui donnant sa saveur et sa profondeur de champ. La vibration de la musique électronique accentue l’intimité des couples tandis que le dispositif lumineux conçu comme une œuvre plasticienne ponctue l’obscurité comme le soleil noir de la mélancolie. À travers les mailles de ce filet clair-obscur, passent du désir, des larmes rentrées, une nostalgie pour les années 80, de la délicatesse.
La fête est finie
En regardant ces hommes et ces femmes qui semblent danser pour eux-mêmes, se dessine une Angleterre des années 80 (la référence avouée de Christian Rizzo), avec ces hommes en « bras de chemise » qui s’étreignent, cet abandon un peu désespéré, cette solitude irréductible dans le collectif, ces déhanchements pour oublier. Pour oublier que la fête est finie et que la mort rôde ? Peut-être. La pièce, en hommage à Ian Curtis, le chanteur du groupe post-punk et cold wave Joy Division, a quelque chose d’une ode funèbre, mais aussi de profondément politique. Cette irruption de la mort – en la figure de créatures poilues énigmatiques – dans les endroits réservés à la jeunesse et au plaisir évoque directement le Bataclan, Orlando, ou, plus loin de nous, l’hécatombe due au Sida dans les années 80. Et c’est bien en cela que Christian Rizzo touche à la matière même de la danse qui est faite de pensée et non de positions, de métaphysique plus que de physique.
Agnes Izrine
Mer. 26, Jeu. 27, Ven. 28 à 19h30. Tél. : 01 53 65 30 00. Spectacle vu le 24 juin 2016 au festival Montpellier Danse. le syndrome ian est lauréat du Prix FEDORA – Van Cleef & Arpels pour le Ballet 2015. Durée 55 minutes.