La Terrasse

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Avignon / 2012 - Entretien Thomas Ostermeier

Le politique, l’économique et la vérité

Le politique, l’économique et la vérité - Critique sortie Avignon / 2012

Publié le 10 juillet 2012 - N° 200

Après Une Maison de poupée, Solness le constructeur, Hedda Gabler et John Gabriel Borkman Thomas Ostermeier revient une nouvelle fois à l’œuvre de Henrik Ibsen. Il crée Ein Volksfeind (Un Ennemi du peuple) : une nouvelle occasion, pour le metteur en scène allemand, de questionner le monde d’aujourd’hui.

Un Ennemi du peuple balance entre perspectives dramatiques et comiques. Comment avez-vous investi cette double dimension ?
Thomas Ostermeier : De la meilleure façon possible : en ne m’en préoccupant pas. Sur scène, comme dans la vie, le comique naît naturellement de situations dramatiques sans que l’on ait, pour cela, besoin de l’orienter ou de le provoquer. Je suis un metteur en scène sérieux à qui il arrive de réaliser des spectacles drôles. Si mes précédentes mises en scène de pièces d’Ibsen ont pu faire rire, on le doit aux comportements ridicules de certains personnages et non à une quelconque action ou volonté de ma part.
 
Quels thématique et questionnement placez-vous au centre de votre création ?
Th. O. : La question de la démocratie dans un système capitaliste débridé, dans une société où le pouvoir de l’économie est plus important que le pouvoir du politique. On le voit bien aujourd’hui, l’argent a fini par prendre le pouvoir sur tout : la politique est totalement inféodée à l’économie, et semble même avoir pour objet essentiel de maintenir vivant le système économique. Et dans ce rapport de forces, la notion de vérité a toutes les chances d’être bafouée.
 
« Sur scène, ce sont moins les effets théâtraux qui m’intéressent, que de partager un regard sur le monde. »
 
C’est ce qui se passe dans Un Ennemi du peuple
Th. O. : Oui. Un homme, seul contre tous les intérêts économiques, lutte pour faire éclater la vérité sur la pollution qui touche l’eau de la station thermale dans laquelle il vit. Menaçant l’équilibre économique de la ville, il se met à dos tous ses habitants et devient un « ennemi du peuple », pourchassé et honni. Que ce soit par rapport au nucléaire, à l’industrie alimentaire, à l’industrie pharmaceutique…, cette problématique est omniprésente dans notre société contemporaine.
 
Cette pièce est la cinquième œuvre d’Ibsen que vous mettez en scène. Qu’est-ce qui vous lie à ce théâtre ?
Th. O. : Justement le fait que les problématiques qu’il développe soient intimement liées au monde d’aujourd’hui. A travers ses pièces, Ibsen essaie de comprendre comment la réalité d’une société influence les comportements des individus : leurs relations amoureuses, affectives, leurs relations de travail, leurs relations de concitoyens… Ibsen n’est pas le plus grand des auteurs de théâtre – je place, par exemple, l’œuvre de Shakespeare plus haut – mais c’est l’un de ceux dont les pièces offrent le plus de matière pour parler d’aujourd’hui.
 
Est-ce là, pour vous, l’essentiel de votre théâtre : « parler d’aujourd’hui » ?
Th. O. : Oui, parler d’aujourd’hui et chercher à saisir les comportements humains. Pourquoi sommes-nous ce que nous sommes, pourquoi agissons-nous comme nous agissons ? Sur scène, ce sont moins les effets théâtraux qui m’intéressent que de partager un regard sur le monde, de raconter quelque chose de nos vies à nous, de la réalité qui nous entoure.
 
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat


 
Festival d’Avignon. Opéra-Théâtre. Du 18 au 22 juillet 2012 à 22h, du 23 au 25 juillet à 17h. Tél : 04 90 14 14 14. Durée estimée : 2h.
 
Ein Volksfeind (Un Ennemi du peuple) / Opéra-Théâtre
De Henrik Ibsen / mes Thomas Ostermeier

A propos de l'événement


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