Misericordia et Pupo di Zucchero – La Festa dei Morti, d’Emma Dante
Après Le Sorelle Macaluso (2014) et Bestie di [...]
Entre Rimbaud et Werner Schwab, Laurent Fréchuret explore les pouvoirs poétiques et politiques de la parole, avec, dans deux spectacles percutants et vibrants, des athlètes du verbe et de la présence.
Vous créez Les Présidentes. Que raconte cette pièce ?
Laurent Fréchuret :
Ubu roi se passe « en Pologne, c’est-à-dire nulle part », disait Jarry. On pourrait dire que la pièce de Schwab se passe en Autriche, c’est-à-dire partout… Les présidentes sont trois petites bonnes femmes pétries de certitudes qui jugent de tous les sujets à l’emporte-pièce. On pourrait dire que c’est une pièce populaire qui n’épargne pas le peuple et montre qu’il peut être dangereux. Surtout quand « il est parlé au lieu de parler vraiment », comme le dit Schwab, mort trop jeune d’avoir trop bu, sorte de Rimbaud, ou plutôt de Fassbinder du théâtre autrichien, petit-fils de Thomas Bernhard et d’Elfriede Jelinek. Il invente une langue raccourcie à la poésie extrême, recyclant toutes sortes de langages en un seul, singulier et actif. Possédées par cette langue, les présidentes, dans leur cuisine, refont le monde en rêvant de le détruire, mais le soir de Noël, au lieu de se quitter, elles décident de faire la fête à grands renforts de vin. Erna la catholique, Grete la nymphomane et Marie, la ravie métaphysique qui a vu la Vierge et débouche les toilettes à mains nues, entrent dans l’affabulation. Et lors de cette soirée plus que particulière, le barrage craque et la réunion tourne au Grand-Guignol sanglant.
Pourquoi choisir cette pièce ?
L.F. : Parce que Schwab est un immense auteur, pas assez souvent monté aujourd’hui, dont les œuvres ne sont pas rééditées et que je voulais faire entendre, surtout aux plus jeunes parce qu’elle parle du fascisme rampant et du langage devenu virus à force de blabla dupliqué sans pensée propre. Cette écriture incroyable et cette histoire hors-norme réclament de grandes comédiennes. Mireille Herbstmeyer, Flore Lefebvre des Noëttes et Laurence Vielle ont des voix, des présences et des corps très différents : elles forment un trio organique qui fait danser cette écriture au plateau. Il y a là une fusion du poétique et du politique absolument incandescente et un humour fou, puisque, comme le disait Beckett, rien n’est plus drôle que le malheur !
Et Rimbaud ?
L.F. : Rimbaud, c’est un peu le grand frère fondateur de toute cette lignée d’inventeurs de mots et de mondes que nous aimons porter à la scène avec notre Théâtre de l’Incendie. En me replongeant dans son œuvre, j’ai retrouvé Un Cœur sous une soutane, qui raconte le jeune Rimbaud séminariste qui sent battre son cœur sous l’habit qui le promet à Dieu et qui, découvrant que celle qu’il aime est un laideron doublé d’une petite bourgeoise, y renonce pour lui préférer la poésie. En y ajoutant Les Lettres du voyant et d’autres poèmes, j’ai créé un parcours théâtral confié à Maxime Dambrin, dont je voulais retrouver le talent et la singularité. Avec lui, cinq musiciens alternent en un dialogue fervent avec Rimbaud et son invitation à changer la vie.
Propos recueillis par Catherine Robert
à 16h30. Relâche les 13, 20 et 27 juillet. Tél. : 04 32 76 24 51. Les Présidentes. Le 11. Avignon, boulevard Raspail. Du 7 au 29 juillet 2021, à 20h40. Relâche les 12, 19 et 26 juillet. Tél. : 04 84 51 20 10.
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