Théâtre - Critique

Le Périmètre de Denver de Vimala Pons

Le Périmètre de Denver de Vimala Pons - Critique sortie Théâtre Paris Centre Pompidou


CENTQUATRE-PARIS et Centre Pompidou / Texte et mise en scène Vimala Pons

Il n’y a que Vimala Pons pour incarner sur scène une Angela Merkel qui raconte dénudée sa rencontre avec une conseillère d’orientation, tout en maintenant un énorme cairn de rochers factices en équilibre sur sa tête. L’artiste touche-à-tout et facétieuse, comédienne de théâtre et de cinéma, circassienne, musicienne, commence son spectacle tambour battant. En forme de clin d’œil au précédent, Grande, elle effeuille à toute vitesse les multiples couches de vêtement qui la transforment en bibendum, racontant qu’elle regrette d’avoir trop pensé à sa carrière (d’où les pierres sur la tête), ce qui l’a menée à répéter sans cesse la même chose (enlever ses vêtements), le tout avec sur le visage le masque en latex de l’ex-chancelière allemande. Début tonitruant qui introduit aussi la trame de son spectacle : la recherche du meurtrier de Stéphane Dosis, troll professionnel, assassiné dans sa chambre d’hôtel de thalassothérapie. Une idée cocasse bien qu’inspirée d’un fait divers réel, qui sert avant tout à passer en revue les personnages suspects dans une sorte d’interrogatoire, où chacun est amené à mentir et à entrer ainsi dans ce fameux « périmètre de Denver ». Cet espace dans lequel il faut devenir un autre pour maintenir vivante la dimension parallèle que le mensonge contribue à créer.

« Nous vivons dans l’oubli de nos métamorphoses »

Après Grande, spectacle inoubliable qui entre autres motifs relatait leur rupture, Tsirihaka Harrivel – qui est collaborateur artistique de ce spectacle – et Vimala Pons se sont encore séparés. Il vient de jouer son solo et Vimala Pons se lance à son tour. L’ombre de leur histoire commune plane sur les deux soli, ici notamment à travers quelques aphorismes, fussent-ils parfois attribués au dalaï-lama. Vimala Pons pratique l’art du collage, de la superposition et de l’accumulation, se transforme en chacun des personnages de son enquête. Un assureur, un hydrothérapeute canin, un responsable de la sécurité… Elle fonce sans qu’on comprenne forcément où elle nous mène. Au spectateur de bâtir les ponts dans cette revue de suspects mi-Columbo mi-Cluedo, secondes peaux dont elle se défait à chaque fin de témoignage, allongeant leur dépouille costumée à ses pieds. À force, cependant, le procédé se répète davantage qu’il ne s’approfondit et l’effet de surprise vient petit à petit à manquer. Ses personnages sont souvent âgés, comme revenus de la vie. Quelque chose de lent, d’une certaine gravité, s’affirme ici même si les horloges qui décomptent le temps continuent de rappeler l’urgence de vivre. « Nous vivons dans l’oubli de nos métamorphoses » dit Vimala. Ce spectacle est à la fois à la fois le produit de sa formidable énergie et celui d’un meurtre, de deuils et de mues.

Eric Demey

A propos de l'événement


Le Périmètre de Denver
du jeudi 10 février 2022 au samedi 12 février 2022
Centre Pompidou
Place Georges-Pompidou, 75004 Paris

Tél : 01 44 78 12 33. Le  CENTQUATRE-PARIS, 5 rue Curial, 75019 Paris. Du 16 au 26 février à 20h30. Relâche dimanche et lundi. Tel : 01 53 35 50 00. Durée : 1h30. Spectacle vu au CDN d’Orléans à l’occasion du festival Soli.


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