Rupture
Habitué du Tarmac, le danseur et chorégraphe [...]
On avait laissé Maxence Rey avec Jérôme Bosch, dans le trio Curiosities déterminé par l’œuvre du peintre. Aujourd’hui, avec cette pièce, elle poursuit dans cette veine d’inspiration et construit un univers inédit.
Si la chorégraphe affiche son goût pour Bosch ou Rubens comme sources pour cette création, ainsi que pour l’histoire de Saint-Antoine, qui donne son titre à la pièce, les références s’arrêtent au moment où commence le spectacle. Le Moulin des Tentations a ceci d’intéressant qu’il n’est pas une illustration littérale d’un univers pictural ou d’une histoire légendaire largement relayée par la littérature. Tout commence par une ronde dans la pénombre. Moment de suspension avant que ne commence la montée en puissance de la danse, matérialisée à travers la seule mobilisation du bassin et de la colonne. Danse organique, mouvement minimaliste, pulsion qui agit de l’intérieur… La sensualité affleurerait si elle n’était pas mécanisée par la systématisation du geste, et presque déshumanisée par la répétition, et par l’absence de contact ou de lien qui pourraient unir les cinq protagonistes.
Corps grotesques
La chorégraphie aurait pu se réduire à ce parti-pris pour figurer la ronde des tentations, et s’engager dans une étude sur l’ondulation du bassin. Or, Maxence Rey parvient à se sortir de cet écueil pour engager le corps dans d’autres états, d’autres séquences, et à nous surprendre. Voilà que les danseurs embarquent leurs propres démons vers d’autres endroits du corps, investissant le visage, les yeux, la bouche. Les corps deviennent grotesques, voire drôles, se déforment, se transforment, faisant de cette bande d’individus une sorte de bestiaire humain jouant sur un catalogue de sensations, de sentiments, et d’émotions. Tout cela sans jamais abandonner la pulsation originelle, tendue entre vie et mort, dans un état des lieux des corps d’aujourd’hui qui s’amusent des désirs comme des dégoûts.
Nathalie Yokel
Théâtre Jean Vilar, 1 place Jean Vilar, 94400 Vitry-sur-Seine. Le 3 mai 2016 à 19h et le 4 à 12h. Tél. : 01 55 53 10 60. Spectacle vu à l’Atelier de Paris – Carolyn Carlson.