Christian Biet, Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil s’emparent de cette tragédie de 1613 relatant une implacable vengeance. Un théâtre pré-classique traversé par une violence et une souffrance humaines exacerbées.
Tragédie pré-classique anonyme publiée en France en 1613, trois ans après l’assassinat d’Henri IV, Le More cruel, proche de la facture des théâtres élisabéthains et espagnol qui lui sont contemporains, est un archétype de ce que le dramaturge Christian Biet qualifie de théâtre “de l’échafaud“, un théâtre sanglant et hyper-violent, comprenant viol, mutilations, meurtres et ici suicide final. En ce début de XVIIè siècle, le pays est marqué par des décennies de guerres civiles et d’antagonismes religieux, et le théâtre met en scène le spectacle de la mort de façon récurrente et outrée. L’argument met en œuvre la vengeance d’un esclave maure envers son seigneur, un gentilhomme espagnol catholique qui le bat et décide finalement de l’affranchir. C’est le Maure qui dirige toute l’action dramatique, et le thème de la vengeance suscite au fil de l’intrigue les déchaînements les plus effarants. La pièce joue sur l’opposition entre maîtres et valets, affrontement habituel au théâtre, (même si ici le valet est esclave), mais le Maure constitue aussi une figure d’altérité radicale, car l’esclave obéit à une autre loi divine et invoque Mahomet, posant à sa manière la question du châtiment. Méconnu et délaissé, ce genre théâtral marque pour Christian Biet « la naissance d’une modernité ». Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil, directeurs artistiques de l’Opéra Français de New-York, mettent en scène la macabre tragédie. Un défi pour la représentation, qui renvoie à des problématiques théâtrales très contemporaines sur la question de la violence.
Le More cruel, texte anonyme, mise en scène Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil, du 30 septembre au 4 octobre, du mercredi au samedi à 21h, dimanche à 16h, au Théâtre Nanterre Amandiers. Tél : 01 46 14 70 00.