La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Misanthrope ou l’atrabilaire amoureux

Le Misanthrope ou l’atrabilaire amoureux - Critique sortie Théâtre Paris Oeuvre
Julie Depardieu et Michel Fau dans Le Misanthrope. Crédit photo : Marcel Hartmann

Théâtre de l’Œuvre / de Molière / mes Michel Fau

Publié le 24 février 2014 - N° 218

Michel Fau investit l’écrin du Théâtre de l’Œuvre et fait des déboires amoureux de l’atrabilaire ennemi du genre humain un carnaval coloré et plaisant, drôle, outrancier et enjoué.

Michel Fau investit l’écrin du Théâtre de l’Œuvre et fait des déboires amoureux de l’atrabilaire ennemi du genre humain un carnaval coloré et plaisant, drôle, outrancier et enjoué.

 

Libertin érudit et connaisseur des usages précieux, La Mothe Le Vayer disait du vert : « il est le blason de ceux qui espèrent, mais on l’attribue aussi aux fous ». Tel est « l’homme aux rubans verts » dont Célimène se moque : divertissant, mais fâcheux « avec ses brusqueries et son chagrin bourru ». Recouvert d’un somptueux costume tout en rubans verts, tel apparaît Michel Fau : espérant régler les mœurs de Célimène et désespérant du cœur des hommes, ridicule et fou, semblable à un enfant capricieux et ridicule. « Grotesque et effrayant » : tel l’incarne Michel Fau, fidèle à l’interprétation originale de Molière, « extravagante et outrancière ». Le metteur en scène entend rompre avec les distorsions moralistes qui ont fait d’Alceste un parangon de vertu lucide au milieu des thuriféraires de l’apparence. Le misanthrope est un atrabilaire ; son caractère est dominé par la bile âcre, celle du soleil noir de la mélancolie. Toute la lecture de la pièce est portée par cette théorie des quatre humeurs : flegmatique Philinte, bilieuse Arsinoé, de jaune vêtue, sanguins petits marquis, prêts à en découdre pour conquérir Célimène.

Castigat ridendo mores

Les très beaux costumes de David Belugou illustrent chromatiquement ce tableau des dérèglements humoraux, et le jeu des comédiens s’amuse à l’outrance, dans une farce bouffonne, où seule Eliante la sincère (élégante Laure-Lucile Simon) est épargnée, offrant ainsi à ce personnage – le moins drôle de tous mais le seul sympathique – une profondeur, que son rôle de faire-valoir fait souvent oublier. Face à un Michel Fau tout en excès, sophistiqué, ratiocineur et grandiloquent, Julie Depardieu campe une Célimène attachante et pétrie de bon sens plus que d’esprit : sous la précieuse, perce la cocotte au parler franc et un rien vulgaire, qui fera salon de son boudoir quand le Second Empire remplacera le Grand Siècle. Le reste de la distribution est au diapason de l’excès : la troupe est drôle, le rythme est enlevé, les répliques fusent, et l’outrance compose des personnages forts en tempérament, plaisamment grotesques, et burlesques comme les pantins d’un grand carnaval. Castigat ridendo mores : telle est la devise de la comédie.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Le Misanthrope ou l’atrabilaire amoureux
du jeudi 30 janvier 2014 au dimanche 30 mars 2014
Oeuvre
Théâtre de l’Œuvre, 55, rue de Clichy, 75009 Paris.

Du mardi au samedi à 20h30 ; samedi à 17h et dimanche à 16h. Tél. : 01 44 53 88 88 ou 08 92 68 36 22. Durée : 1h30.

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