La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Mental de l’Équipe

<p>Le Mental de l’Équipe</p> - Critique sortie Théâtre
© Viktor Vasiliev Frères et Sœurs, spectacle fondateur du Théâtre Maly de Lev Dodine.

Publié le 10 avril 2007

L’éclat bruyant et dévastateur de la planète foot dans la distanciation osée
d’une scène de théâtre. Un beau match.

Le Mental de l’équipe, un spectacle conçu par Frédéric Bélier-Garcia,
Emmanuel Bourdieu et Denis Podalydès, est une histoire de mecs, un salut
ostentatoire de footeux incorrigibles que les matchs live ou retransmis à la TV
convoquent malgré eux entre cris, crainte et satisfaction hurlée, le temps d’une
messe collective vécue comme un rendez-vous amoureux. Le mental ? Une arme
archaïque assénée lors de combats virils sous le noble couvert de valeurs
masculines indiscutables, à manier de préférence dans les milieux sportifs et
professionnels où la rivalité et la concurrence sont de mise. Mental,
ouvre-toi : une prière impossible puisque ce sésame introuvable concerne la vie
de l’esprit sans expression orale ou écrite. Une substance collective troublante
pour celui qui doit la manipuler en démiurge incontesté, l’entraîneur de
l’équipe, le meneur d’hommes, le père des athlètes investis par le devoir de
gagner ? le match, l’argent, les femmes. Ce manager de rêve est incarné par la
« gnaque » de Daniel Martin. À côté de l’entraîneur, le sophrologue censé en
connaître long sur la science de l’harmonie de l’esprit depuis la relaxation à
l’hypnose profonde.

Mise en scène radieuse et facétieuse

Jacques Bonnaffé, dans le rôle de ce coach, sauveur des âmes et messie des
matches, n?en finit pas de commenter les calculs improbables du coup franc en
question, réussi ou pas. Coup franc des rouges tiré contre les bleus et dont on
ne sait s’il faut laisser la responsabilité ou pas à Monod, le grand espoir
jamais confirmé que joue héroïquement Jérôme Kircher en Hamlet des stades. Le
voilà qui s’entretient avec le goal de l’équipe rivale, Lazare. Micha Lescot, à
la dégaine de girafe et à la voix de pinson, est un animal philosophe à ses
heures d’ennui et de grande solitude de gardien des buts désertés : « Une
seule chose est sûre : personne n?est sûr de rien de rien.
 » En face, le
Serbe, le dur et le redoutable Manuel Le Lièvre qui n?a qu’une idée en tête, en
découdre avec l’ennemi, et qui ne s’en réfère pas moins à Beethoven : « La
vraie force, c’est de se servir du doute, non pas pour nier, mais pour affirmer
davantage.
 » Telle est la dialectique savante entre volonté et attente,
affirmation et doute quand le potentiel physique des équipes est au top et que
ne reste que cette volonté d’assouvissement de la « faim » du ballon. La mise en
scène est radieuse et facétieuse, musique et ambiance festive de stade
hystérique, pleins feux sur la tribune de l’entraîneur, changement de
perspective et point de vue en diagonale, cage et filet des buts, le spectateur
s’approche de l’intimité des joueurs dans le vertige de leur silence intérieur.

Véronique Hotte

Le Mental de l’équipe

De Emmanuel Bourdieu et Frédéric Bélier-Garcia, mise en scène de Denis
Podalydès et Frédéric Bélier-Garcia, jusqu’au 14 avril 2007 à 21h, dimanche à
15h et relâche le 8 avril au Théâtre du Rond-Point 2 bis avenue Franklin D.
Roosevelt 75008 Paris Tél : 01 44 95 98 21

A propos de l'événement


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