La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2009 - Entretien Céline Lapeyre

Le jeu des perceptions

Le jeu des perceptions - Critique sortie Avignon / 2009

Publié le 10 juillet 2009

Elle est là, présence indécise flottant entre ciel et terre, corps tantôt dessiné à traits clairs, tantôt formes de chairs… qui se métamorphose dans l’ombre lointaine d’une estampe japonaise. La danseuse et circassienne Céline Lapeyre déroute les perceptions jusqu’à fondre l’âme et l’animalité de l’humain.

Vous avez travaillé à partir de toiles de Bosch, Picasso et Bacon. Comment les univers de ces peintres ont-ils nourri la recherche ?
Céline Lapeyre : J’ai accumulé une matière corporelle brute à partir d’improvisations, d’abord sur Le jardin des délices de Jérôme Bosch, qui évoque des corps très dessinés, puis en traversant des œuvres de Picasso, qui introduisent un jeu de regard, entre pudeur et dévoilement, innocence et exhibition, et apportent une double facette. Avec Bacon, le corps n’est plus représentation mais vecteur de flux, coulées de chairs où se fondent les muscles et les os.
 
Comment articulez-vous ces différentes matières de corps ?
C. L. : L’écriture s’appuie sur une estampe d’Hokusaï, Orage sous le sommet, et reprend son principe architectural d’ascension et de descente pour révéler la transformation du corps : d’abord proche de ceux peints par Bosch, très structuré, lisible, il glisse progressivement vers un état plus animal, intuitif, brut. Cette évolution se lit aussi à travers la répétition de motifs gestuels qui reviennent comme des thèmes mais en variant les dynamiques, les puissances, les angles de vue.
 
Comment intervient le trapèze ?
C. L. : Danseuse de formation, j’ai abordé le trapèze pour développer une recherche sur la danse et l’aérien. L’agrès intervient ici avant tout comme un élément scénographique et graphique, qui suggère l’apesanteur et génère des mouvements. Les accroches étant dotées de tronçons élastiques, l’agrès se déforme et s’incline lors des changements d’appui et trouble la perception des repères.
 
« Ukiyo-e cherche à mettre en scène le jeu entre une proposition et sa perception. »
 
La perception semble en effet au centre de votre démarche, comme pour atteindre une sensualité qui passe par le regard.
C. L. : Ukiyo-e cherche à mettre en scène le jeu entre une proposition et sa perception. Ce travail opère à plusieurs niveaux : entre les peintures, le prisme de mon regard et ma traduction corporelle, puis avec la sensation du spectateur. L’impression de chacun se réfère à son corps vécu, physique, quant à ce qui lui est familier et ce qui ressort de l’étrangeté.
 
Le Japon est-il un territoire d’imaginaire pour vous ?
C. L. : Il renvoie à un univers d’enfance. J’ai grandi dans l’imaginaire des samouraïs, mon père étant arbitre d’arts martiaux et voyageant beaucoup. La place du signe dans cette culture m’intéresse également : très graphique, à la fois dans son écriture et son architecture, le signe ne se résume jamais à son signifiant mais offre une forme très puissante qui laisse beaucoup de places pour y habiter.
 
Entretien réalisé par Gwénola David


Ukiyo-e, de Céline Lapeyre et du collectif Petit Travers, du 8 au 29 juillet 2009, relâche jeudi, à 19h45, à l’Espace Vincent de Paul – Ile Piot dans le cadre dans le cadre de "Midi Pyrénées fait son Cirque". Rens. 04 90 84 09.

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