Audience, Vernissage
Anne-Marie Lazarini réunit des comédiens [...]
Après Le Bourgeois gentilhomme et Les Femmes savantes, Catherine Hiegel quitte Molière pour Marivaux. À travers Le Jeu de l’amour et du hasard, elle souligne la permanence des inégalités sociales.
Avec Le Jeu de l’amour et du hasard, vous signez votre première mise en scène d’un texte de Marivaux. Cette envie vient-elle de votre parcours de comédienne, au cours duquel vous avez incarné plusieurs personnages de ce dramaturge ?
Catherine Hiegel : Le choix de monter cette pièce de Marivaux vient plutôt d’un désir de travailler avec des comédiens. Avec Vincent Dedienne en particulier, dont le talent va bien au-delà de celui de l’amuseur public. Rôle qu’il tient admirablement à travers ses chroniques et ses spectacles dont je me délecte depuis longtemps. Formé comme acteur à la Comédie de Saint-Étienne, lui-même avait envie de revenir au théâtre. C’est en échangeant que nous en sommes arrivés à Marivaux. Le personnage d’Arlequin nous est apparu comme une évidence. Les rôles de Silvia, Dorante et Lisette seront quant à eux interprétés par trois de mes anciens élèves au Conservatoire : Clothilde Hesme, Cyrille Thouvenin et Laure Calamy, que je suis heureuse de retrouver.
Dans votre précédente mise en scène, vous optiez pour une lecture progressiste des Femmes savantes. Marivaux permet-il une telle approche ?
C.H : Il n’y a dans l’œuvre de ce dramaturge aucun signe d’un désir de changement. Comme un ethnologue de sa propre époque, Marivaux observe les comportements et s’amuse à bousculer l’ordre des choses dans chacune de ses pièces. Avant de décrire leur retour à la normale. Dans Le Jeu de l’amour et du hasard, le mariage imposé de Silvia et Dorante devient mariage d’amour. Mais chacun épouse celui qui lui correspond socialement. Une permanence sociale qui n’est pas sans violence, surtout pour les valets qui ont cru un moment sortir de leur condition.
«Chez Marivaux, les personnages naissent de leur langage. »
Heureusement, il y a l’humour…
C.H : Oui. Si cette pièce, comme toutes celles de Marivaux, laisse un goût amer, elle reste une comédie. Et c’est bien ainsi que je la monte. Avec un vrai bonheur dans les jeux de déguisement qui, le temps d’une représentation, mettent les maîtres dans la peau de leurs valets. Et inversement. Il y a aussi le langage, qui est sublime. Chez Marivaux, les personnages naissent de leur langage, dont la complexité nécessite un long travail avec les comédiens. Bien que très éloigné de notre expression quotidienne actuelle, il doit paraître naturel sur scène.
Naturel auquel contribuera aussi votre scénographie, conçue comme celle des Femmes savantes par Goury.
C.H : Contrairement aux didascalies très précises de Molière, celles de Marivaux ne donnent aucune indication de décor. Nous savons seulement que l’intrigue est située à Paris. En faisant des recherches, j’ai constaté que la majorité des œuvres picturales du XVIIIème siècle donnaient à voir des jardins. Celles de Fragonard, par exemple. J’ai donc décidé de situer ma mise en scène dans le jardin d’un hôtel particulier de l’époque. D’où, malgré la cruauté des rapports sociaux mis en fiction par Marivaux, une sensation de douceur et de liberté. Car malgré tout, le théâtre demeure un espace assez protégé. Un espace où l’espoir est permis.
Propos recueillis par Anaïs Heluin
Du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 17h30 et 20h30 et le dimanche à 16h. Tel : 01 42 08 00 32. www.portestmartin.com
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