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Avignon / 2018 - Entretien / Madeleine Louarn & Jean-François Auguste
Pour leur 5e collaboration, les metteurs en scène Madeleine Louarn et Jean-François Auguste adaptent plusieurs textes de Kafka sous les angles de l’exclusion et de la domination, des problématiques qui font particulièrement écho aux acteurs de la compagnie Catalyse, tous handicapés mentaux.
« Les problématiques kafkaïennes peuvent faire écho au handicap. » (ML)
«L’écriture de Kafka prend particulièrement de relief avec les acteurs de Catalyse. » (J.-F. A)
Comment est né votre spectacle ?
Jean-François Auguste : Dans le premier roman de Kafka, L’Amérique – traduit parfois Le Disparu –, Karl Rossmann, un immigré juif, exerce plusieurs métiers subalternes avant de tomber sur une affiche disant que le Grand Théâtre d’Oklahama engage, « uniquement aujourd’hui », toutes les personnes qui se présenteraient. C’est devenu la structure du spectacle : des personnages de L’Amérique viennent se présenter sur le plateau et disent des textes de la fin de la vie de Kafka comme Joséphine, la cantatrice.
Pourquoi le thème de l’exclusion vous a-t-il particulièrement intéressé ?
Madeleine Louarn : Certaines problématiques kafkaïennes traitent beaucoup de la domination, de la place de l’homme dans le monde, de la façon dont on est désigné hors-jeu ou non, de la faute, de la culpabilité… Ces questions peuvent faire écho au handicap, à travers, en plus, une littérature irrésistible. Ces questions sont très présentes dans les récits de la fin de la vie de Kafka mais aussi dans le dernier chapitre de L’Amérique, son premier roman, ce qui permet de boucler la boucle, car au fond, toute sa vie, Kafka a cherché ce que son père ne lui avait pas transmis : la tradition juive.
J.-F. A. : Je voulais sortir des clichés kafkaïens sur la bureaucratie et l’administration. Dans les thématiques que nous avons choisies se dégage ce que nous avons appelé « les principes d’assimilation » comme outils de domination. On ne se rend pas compte des mécanismes de domination dans lesquels on est pris pour s’intégrer à une société ou à un groupe. C’est pour cela que le titre Le Disparu nous convient mieux que L’Amérique. Il dit à quel point, pour réussir à s’intégrer, il faut faire disparaître notre identité, notre culture, tout ce qui nous a constitué jusqu’à présent. L’écriture de Kafka prend particulièrement de relief avec les acteurs de Catalyse parce qu’elle parle de trouver le chemin de la liberté. Tout le monde aspire à être libre, mais pour eux, la montagne à gravir est encore plus grande.
Vous donnez aussi une grande place au travail chorégraphique ?
M. L. : Depuis toujours, nous travaillons la question physique et la présence des corps avec les acteurs de la compagnie Catalyse. La singularité de leur grammaire physique représente un atout. C’est donc un aspect important de travail, mais là, ce qui était encore plus intéressant, c’est de le mettre en perspective avec l’écriture de Kafka qui a une idée très précise des corps et accorde une grande attention à la manière dont les gestes se font.
Entretien réalisé par Isabelle Stibbe
Les 7, 8, 10, 11, 12 juillet 2018 à 15h. Durée : 1h30.
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