La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique /REPRISE

Le Dernier Jour du jeûne de Simon Abkarian

Le Dernier Jour du jeûne de Simon Abkarian - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de Paris
Ariane Ascaride et Simon Abkarian dans Le Dernier Jour du jeûne. Crédit photo : Antoine Agoudjian

Reprise / Théâtre de Paris/ mes Simon Abkarian

Publié le 23 octobre 2020 - N° 287

Simon Abkarian revient au Théâtre de Paris avec ses magnifiques comédiens dans Le Dernier Jour du jeûne, tragi-comédie « à la méridionale ». Il signe un spectacle drôle et émouvant, lyrique et politique, palpitant et exaltant. Une vraie merveille !

Tout en contrastes, intelligent et drôle, ambitieux et populaire, Le Dernier Jour du jeûne, polar haletant et histoire d’amour palpitante, saga familiale et brûlot politique, est une très belle réussite. Simon Abkarian y porte haut les couleurs du théâtre ! Il installe son intrigue dans un petit village qui pourrait être andalou, marseillais, libanais ou grec, et fait parler le peuple en poète. L’argent n’est rien, comme le remarque la mère au moment des fiançailles de sa fille, mais l’honneur est tout, et dire les choses dans la vérité complexe et belle des sentiments et des idées fait la fierté des petites gens, auxquels Abkarian rend ici un splendide hommage. Comme Chahine filme la simplicité humaniste d’Averroès dans Le Destin, comme Pagnol décrit la grandeur tragique des paysans des collines, Abkarian nous rappelle que la magnanimité n’est pas l’apanage de la fortune : Ulysse était le chef d’un peuple de bergers ! Les comédiens rappellent cette évidence en osant un parler franc et une dégaine authentique. Les aînées assument leur giron replet, les jeunes premières ont le verbe haut des Cagoles en strass, l’étranger est tatoué comme un marin bourlingueur, et l’amoureux ressemble aux Cacous du Vieux Port : snobinards éthérés aux tympans délicats s’abstenir !

 Un théâtre couillard

Que s’abstiennent également les amateurs de solutions faciles, les viragos du genre et les défenseurs d’une parité bienséante ! Comme Cézanne revendique une « peinture couillarde » en regrettant au milieu des salonards parisiens son bastidon et le vin de Provence, Abkarian ose un théâtre couillard : le Grand Siècle, mieux policé, eût appelé cela un théâtre du cœur. Et du courage et de la philanthropie, il y en a chez Theos et les siens ! Que l’on offre sa fille à l’étranger, marchand de musique ambulant, que l’on coupe les pouces de celui qui cogne sa femme, que l’on tue celui qui a violé sa fille. Voilà le paradoxe  de cette pièce complexe au propos si profond. Abkarian n’est pas politiquement correct, mais l’authentique justesse avec laquelle il décrit la situation faite aux femmes et la phallocratie imbécile dépasse les catégories de la morale au cul pincé. L’humour et la lucidité des exploitées sont aussi efficaces que leurs discours revendicatifs, et la bêtise et la méchanceté des hommes sont poignantes et hilarantes. Abkarian réussit le tour de force de rendre la sublime déclaration d’amour d’Aris à Astrig aussi bouleversante que celle, terrifiante et meurtrière, du boucher Minas à sa fille. Les comédiens s’emparent de cette partition lyrique et éclatante avec un abattage et un talent éblouissants. Voilà du grand et beau théâtre, servi par des acteurs magnifiques et puissamment inspirés.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Le Dernier Jour du jeûne
du vendredi 16 octobre 2020 au mercredi 30 décembre 2020
Théâtre de Paris
15 Rue Blanche, 75009 Paris

A partir du 16 octobre 2020 et jusqu'à fin décembre 2020. Les jeudis et vendredi à 20h, le samedi à 20h00, le dimanche à 15h30.

Rens 0148742537. www.theatredeparis.com. Spectacle vu à sa création au Théâtre Nanterre-Amandiers.

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