La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Commencement du bonheur

Le Commencement du bonheur - Critique sortie Théâtre
Photo : Marc Ginot Sur la planète Terre, les facéties d’un elfe (Sabrina Kouroughli) et d’un gnome (Quentin Baillot).

Publié le 10 mars 2008

Jacques Nichet, avec les Dix petites pièces philosophiques d’après Operette morali de Leopardi, le plus grand prosateur du XIX ème siècle selon Nietzsche, s’amuse des retrouvailles de la philosophie et de la poésie, rehaussées d’un zeste de théâtre enchanteur.

Pour Leopardi, poète annonciateur de notre mélancolie moderne, les aspects du temps, du bonheur, de la vie et de la mort investissent indifféremment les champs de la vérité philosophique et de la beauté poétique grâce à l’enthousiasme de la raison qui fait office de réacteur. Voilà touchée la veine imaginaire de l’homme de théâtre Jacques Nichet, metteur en scène de ce Commencement du bonheur, l’état même du repos éternel et de la fin de la douleur. Nichet vient de passer le flambeau à Laurent Pelly à la direction du Théâtre National de Toulouse. Il termine un cycle de réflexion esthétique et politique en mettant l’illusion au cœur du théâtre. Illusion négative – comme les fantasmes du communisme ou d’une planète sans changement climatique –  quand l’homme s’imagine le maître du monde et de la nature qu’il croit pouvoir exploiter sans conséquences. Mais illusion positive quand l’être se met à l’écoute du théâtre et de la poésie, des mensonges avoués, des signes ostensibles de sensibilité. La vie est belle, mais c’est toujours celle qu’on remet à plus tard : on ne l’a pas encore vécue. Nichet est sur le plateau ce rêveur inlassable face à la Terre qui s’est toujours figurée qu’elle était l’impératrice du monde. Il est Insomniaque façon Pessoa, il ne dort pas et gît en cadavre éveillé tandis que la malice des questions existentielles le harcèle.

Des figures enfantines et ludiques aux rôles cosmiques et comiques
Aux côtés du dormeur à la bougie vacillante, les acteurs Sabrina Kouroughli et Quentin Baillot foulent le plateau vide et noir, des figures enfantines et ludiques aux rôles cosmiques et comiques multiples – le soleil éblouissant, la première heure légère du jour, la première heure mélancolique de la nuit, Copernic, l’explorateur islandais d’un Nord perdu, un  elfe, un gnome.  Comme dans un rêve émerveillé de comptine, les trappes s’ouvrent et le soleil, prince altier vêtu d’or, descend des cintres dans la scénographie dénudée et majestueuse de Philippe Marioge. La nuit interstellaire ne veut plus donner à scintiller ses diamants ; le Soleil, las de tourner, demande à Copernic que la Terre paresseuse fasse dorénavant sa rotation alentour. Devant tant de requêtes, l’insomniaque épris de philosophie  guide dans l’ombre les âmes défuntes, une pléiade de jeunes comédiennes, momies gisantes immaculées, des mortes élégantes revenues de l’au-delà pour parler du Commencement du bonheur, à l’heure paradoxale de la mort. Les hommes doivent s’arrêter de s’aimer s’ils veulent goûter à la vie : le malheur d’exister vaut mieux que rien. Un lit doré, une balançoire, un chapeau de lutin, il suffit de peu pour jouer. 
Véronique Hotte


Le Commencement du bonheur

D’après les Operette morali de Giacomo Leopardi, traduction de Michel Orcel, mise en scène de Jacques Nichet, 20h du 27 mars au 16 avril 2008, à la MC93 1, bd Lénine 93000 Bobigny Tél : 01 41 60 72 72 www.mc93.com

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