La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Le Centre dramatique de La Courneuve

Le Centre dramatique de La Courneuve - Critique sortie Théâtre
photo : Elisabeth Hölzle

Publié le 10 décembre 2007

Ensemble, un théâtre fait par tous et pour tous

Coopérative d’acteurs maîtresse de ses choix artistiques, composée de « comédiens troupiers » se partageant autant les rôles que les tâches, le Centre dramatique de La Courneuve est enraciné dans le territoire courneuvien depuis 1974, y crée ses spectacles, y sensibilise jeunes et adultes aux joies du théâtre et y mène une aventure humaine pétrie d’engagement et de liberté.

Entretien / Maria Gomez
Le témoin passe et la passion demeure
 
Depuis le décès de Dominique Brodin, le 11 mars 2007, le Centre dramatique de La Courneuve continue sa route, éclairée par le souvenir de l’ami qui l’a guidé pendant trente ans. Maria Gomez a pris le relais de la direction artistique de la compagnie.
 
Pouvez-vous rappeler l’histoire de la compagnie ?

Maria Gomez :
Cette troupe est née de manière professionnelle en 1974, de la rencontre entre la volonté d’une ville et d’un maire, James Marson et la fulgurance d’une équipe qui démarrait dans ce métier. Pierre Constant était alors metteur en scène et les jeunes gens qu’il avait réunis ont eu envie de continuer à travailler ensemble, sur ce territoire et dans cette ville. A chaque fois qu’on a fait un spectacle, on est revenu le jouer à la Courneuve, soit à la mairie, soit au Centre culturel Jean-Houdremont, soit dans des usines. L’ancrage dans la ville est une exigence que nous nous sommes donnée dès le départ. Cela ne signifie pas que nous ne jouons que pour les Courneuviens mais plutôt que nous croyons à la richesse des gens d’ici, que nous sommes nous-mêmes d’ici ou que nous y habitons, que nous voulons continuer à jouer dans les quartiers en juin, à animer des ateliers avec les enfants, les adolescents, les adultes, les écoles et à faire un théâtre exigeant qui permette aux gens d’ici de se dire que le théâtre est aussi pour eux.
 
Où êtes-vous installés ?

M.G. :
Nous sommes installés dans un ancien cinéma, L’Etoile, qui est notre lieu de répétition et l’endroit où ont lieu les ateliers. C’est un endroit magique et formidable qui nous donne une autonomie énorme : c’est très important pour nous.
 
« Pour un théâtre exigeant offert et accessible à tous. »
 
Vous poursuivez désormais votre route sans Dominique Brodin…

M.G. :
Dominique a été un homme formidable qui a tenu le fil, la droiture, qui s’est battu beaucoup pour la troupe, pour sa reconnaissance, pour le travail de troupe. Depuis 1981, quand Pierre Constant a suivi un autre chemin, Dominique Brodin a pris son relais. Il n’y a plus eu alors de metteur en scène attitré au sein de la compagnie et nous avons invité différents metteurs en scène à travailler avec nous. Dominique a toujours eu le soin d’écouter les gens de l’intérieur, de l’extérieur et de s’ouvrir. Sa souplesse de caractère a construit un réseau très important autour de nous. Il a su tracer un chemin, une route, pour nous très importante, une route dans laquelle les gens sont plus importants que tout. Nous nous sommes ainsi ouverts sur l’étranger, notamment l’Algérie, sur d’autres disciplines, comme le trapèze, le jonglage, la magie et la musique qui a toujours tenu une place privilégiée dans les aventures de la troupe. C’était un homme formidable. C’est grâce à lui que cette aventure a duré pendant trente-cinq ans et qu’on espère bien continuer à la mener. Il nous accompagne, il est toujours avec nous. C’est pour cela que nous continuons à nous battre toujours dans le même esprit, pour un théâtre exigeant offert et accessible à tous.


Entretien / Elisabeth Hölzle
L’optimisme des combats à mener
 
Elisabeth Hölzle met en scène Nous, les héros, de Jean-Luc Lagarce, la quarante-cinquième création du Centre dramatique de La Courneuve, qui évoque la vie d’une troupe de théâtre.
 
Pourquoi avoir choisi des intermèdes musicaux en yiddish à l’intérieur du texte ?

Elisabeth Hölzle :
Quand j’ai lu cette pièce, je ne savais pas à quel point Lagarce avait puisé dans le Journal de Kafka pour l’écrire. Enormément de passages reprennent des éléments du Journal où Kafka parle du théâtre, de son amitié avec le directeur d’une troupe de théâtre yiddish, des spectacles que la troupe peine à faire, des représentations brinquebalantes auxquelles il assiste avec autant de sévérité que d’admiration, de Madame Tschissik, personnage repris par Lagarce, dont Kafka était plus ou moins amoureux. La pièce de Lagarce est ponctuée d’intermèdes musicaux dont l’auteur ne précise pas le contenu. J’ai donc choisi des chants yiddish en hommage à Kafka.
 
«  C’est une pièce qui parle du combat à mener pour trouver sa place. »
 
Comment avez-vous rencontré la troupe de La Courneuve ?

E.H. :
Au départ, par l’intermédiaire de Jean Maisonnave. J’ai joué avec eux dans La Nuit des rois et Un Songe d’une nuit d’été. Ce spectacle était une création collective, sans metteur en scène attitré. Or, quand j’intervenais, je sentais qu’ils m’écoutaient et ils ont dû s’en souvenir aussi puisqu’ils m’ont proposé de travailler à nouveau avec eux en tant que metteur en scène. Cette troupe est assez singulière ; elle fait appel à des metteurs en scène extérieurs et je trouve ça très chouette comme démarche. Chacun a un rôle très défini pour faire avancer l’entreprise en plus de son activité de comédien : ils sont vraiment dans le réel.
 
Pourquoi leur avoir proposé Nous, les héros ?

Ils n’ont pas douté de la nécessité de continuer après la mort de Dominique Brodin, mais ils étaient très tristes et très ébranlés. Je voulais donc un texte qui soit porteur d’une très grande vitalité avec des chants et de la fantaisie pour qu’ils puissent se rassembler autour d’un projet joyeux malgré tout. Je trouve cette pièce, qui raconte l’histoire et les difficultés d’une troupe de théâtre, fondamentalement optimiste. Lagarce y parle du combat à mener pour trouver sa place, de la nécessité d’être dans le vrai au-delà de l’échec. Et sur le sujet du théâtre, dont les perspectives et l’horizon restent aussi ouverts, c’est une pièce également très optimiste. Même si c’est difficile, donc, il faut continuer !
 
Propos recueillis par Catherine Robert


Centre dramatique de La Courneuve. 21, avenue Gabriel-Péri 93120 La Courneuve. Tél : 01 48 36 11 44. Site : www.centredramatiquedelacourneuve.com

Nous, les héros, de Jean-Luc Lagarce ; mise en scène d’Elisabeth Hölzle. Du 21 novembre au 16 décembre 2007. Mercredi, vendredi et samedi à 20h30 ; jeudi à 19h ; dimanche à 16h30. Centre culturel Jean-Houdremont, 11, avenue du Général Leclerc, 93120 La Courneuve. Réservations au 01 48 36 11 44. Lire aussi notre article sur Nous les héros dans ce même numéro.

A propos de l'événement


x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre