La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Casino de Namur II de Philippe Caubère

Le Casino de Namur II de Philippe Caubère - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Rond-Point
Philippe Caubère dans Le Casino de Namur. Crédit : Michèle Laurent

texte et mes Philippe Caubère

Publié le 26 novembre 2019 - N° 282

Grandeurs et misères de l’amour fou, Festen chez les Belges et splendeurs et décadences de la roulette : Philippe Caubère valse avec l’alternance, passe de L’Age d’or à la Belgique et crée le dernier volet du Roman d’un acteur.

Si l’œuvre de Marcel Proust s’achève avec un roman au titre paisible et consolateur, celle de Philippe Caubère n’a rien de l’irénique lumière du Temps retrouvé, quand le narrateur comprend que seule la mémoire involontaire permet de faire revivre le passé. La dernière manche du match que Caubère joue sur scène depuis des années est infiniment plus batailleuse, gaillarde et dynamique ! Elle est comme un défi pour catcheur solitaire chargé d’animer le ring en y jouant tous les rôles. Loin du raffinement de Charlus, des esthètes délicats ou de la normalisation désormais acquise face aux orientations sexuelles de nos semblables, Philippe Caubère parle dru, appelle un chat un chat et mouille le maillot en mimant la mémé au lifting avachi qui jouit devant la table de jeu du casino et dont le vagin s’ouvre avec force borborygmes suggestifs. Il invente également le prix de la passe comme étalon universel et la possible conversion monétaire entre argent dépensé au casino et coût d’un tapin. Une petite « pipette » en sus dans les toilettes, des coups de raclette dans la figure et la menace d’être pris pour un inverti : comme pour le pauvre Scapin, on se demande ce qu’allait faire le malheureux Ferdinand en cette galère…

Eternel retour pour achever la recherche du temps perdu…

Philippe Caubère installe son personnage fétiche dans le maelström du casino. Comme d’habitude – et Ferdinand l’avoue – il peine à comprendre ce qui lui arrive alors qu’il est emporté par la fièvre des joueurs aux contagieuses manies. Entre Bruno et Jean-Marie, visité par son père en plein casino (un peu comme Hamlet à Elseneur, la rusticité de la faconde homophobe en plus), Ferdinand s’essaie à gagner, et finit évidemment par perdre… « C’est une journée qui, dans la réalité, nous a beaucoup marqué, Bruno Raffaëlli, le vrai, et moi… » dit Philippe Caubère. Il fait donc profiter le public de cette réminiscence où Ferdinand est pris dans une spirale infernale qui le condamne à l’éternel retour du même : il gagne, puis perd, puis gagne à nouveau, puis perd derechef, puis gagne encore, puis perd tout, puis finit par retrouver sa voiture et rentrer… Jean-Marie a rendez-vous avec son tracteur et ses betteraves et Bruno et Ferdinand doivent retrouver le théâtre le lendemain matin. On suit les victimes de ce récit – moins convaincant que les opus précédents – avec une attentive tendresse, la même que celle dont le public entoure Philippe Caubère depuis ses débuts dans cette Recherche du temps perdu qu’il achève enfin.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Le Casino de Namur II de Philippe Caubère
du mardi 5 novembre 2019 au dimanche 5 janvier 2020
Théâtre du Rond-Point
2bis, avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris

La Baleine et Le Camp naturiste : du 8 novembre au 29 décembre. Les 8, 12, 16, 20 et 29 novembre et les 3, 7, 11, 20 et 24 décembre à 20h30 ; le 24 novembre, les 15 et 29 décembre à 16h ; relâche le lundi et le jeudi. Le Casino de Namur I : du 5 novembre au 4 janvier 2020. Les 5, 9, 13, 22, 26 et 30 novembre, les 4, 13, 17, 21, 27 et 31 décembre et le 4 janvier à 20h30 ; le 17 novembre et le 8 décembre à 16h ; relâche le lundi et le jeudi. Le Casino de Namur II : du 6 novembre au 5 janvier 2020. Les 6, 15, 19, 23 et 27 novembre, les 6, 10, 14, 18 et 28 décembre et le 3 janvier à 20h30 ; le 10 novembre, les 1er et 22 décembre et le 5 janvier à 16h ; relâche le lundi et le jeudi. Tél. : 01 44 95 98 21. Le Roman d’un acteur – tome 2, La Belgique, paru le 24 octobre aux éditions Joëlle Losfeld. Signature à la librairie du Rond-Point le 17 novembre et le 18 décembre.

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