Dorsaf Hamdani
La grande chanteuse tunisienne prolonge la [...]
Fatou Cissé met en lumière des pratiques chorégraphiques et sociales qui font voler en éclats les lieux communs sur la femme au Sénégal.
On connaît Fatou Cissé interprète, notamment au sein de Bougarabou, compagnie guinéenne, ainsi que dans les pièces de Reggie Wilson, Irène Tassembedo, Vera Sander ou Andreya Ouamba. De son travail de chorégraphe – qui lui a notamment valu, dès 2006, le premier prix des rencontres Danse l’Afrique danse –, on connaît surtout Regarde-moi encore. Ce que nous sommes, fascinant solo qu’elle a créé en 2014 et qui, sur une base épurée qui ne déparerait pas la danse post-moderne et ses « accumulations » minimalistes, fait vibrer une multitude de figures, de personnages, révélant un monde d’une étrange poésie, peuplé de fantômes. Car la danse, pour elle, est une façon de s’exprimer, de contourner les mots pour dire, montrer, dénoncer, et tout particulièrement pour dire la situation des femmes de son pays, le Sénégal, dans ses injustices et sa complexité. Un projet qui anime Le Bal du Cercle.
Domination et émancipation
Cette nouvelle pièce prend sa source dans le Tanebeer, pratique festive réservée aux femmes dans la société sénégalaise, organisée soit dans la rue, soit dans les cours des « concessions » (ensembles de maisons familiales) : une sorte de bal-exhibition, au cours duquel les femmes se montrent, rivalisant de couleurs, de maquillage et de singularité, assumant la puissance sexuelle d’une activité séductrice – entre elles, puisque les hommes, quoique présents, sont tenus à distance, à l’extérieur du cercle formé par les musiciens. Ces bals sont aussi l’occasion de « palabres », de discours visant à régler des différends, des problèmes de quartier, de vie quotidienne ou encore de polygamie. Au travers de la danse et de la présentation de soi, ce sont donc les différentes facettes du pouvoir qui s’exposent : la rivalité et la solidarité, l’affirmation d’un collectif et d’une singularité, la domination et l’émancipation. Profondément sensible au potentiel de telles pratiques, Fatou Cissé en fait le moteur de sa création : le Tanebeer devient ici un défilé de mode exubérant (porté par les costumes de la créatrice de mode sénégalaise Madeleine Sylla). Les six interprètes passent des danses traditionnelles aux danses urbaines des clubs africains. Dans ce « battle » d’un nouveau genre, intense et joyeux, chaque femme se positionne et se réinvente, comme le résume la chorégraphe : « Chaque geste raconte de quoi nous sommes faites et qui nous sommes dans le cercle et dans la société. »
Marie Chavanieux
Festival d’Avignon.
à 22h, relâche le 20. Tél. : 04 90 27 66 50.
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