Les Géants # 3
La Maison de la Poésie invite trois géants de [...]
Avec sept interprètes en piste, quatre musiciens et la présence des deux figures historiques de la compagnie, le nouveau spectacle des Colporteurs reste à leur image : celle d’un cirque bouleversé par un événement, et bouleversant par son humanité.
Qui sont ces intouchables, arrivés dans le flot des déchets, transbahutés dans des sacs poubelles, comme mis au rebut de notre société ? De quoi se débarrasse-t-on en abandonnant ces corps ? L’histoire qu’ils nous racontent en émergeant du plastique – prison ou chrysalide – est celle de mains tendues, de corps fragiles, et de fol espoir. C’est aussi l’histoire d’Antoine Rigot et d’Agathe Olivier, les deux fondateurs des Colporteurs, qui transparaît sans fards dans cette nouvelle pièce. Antoine Rigot n’y va pas par quatre chemins lorsqu’il se met en scène, seul sur son fauteuil roulant, en train de mettre en place la corde pour se pendre. L’arrivée d’une mystérieuse femme en rouge (Agathe, bien sûr) fait de cette corde un fil ; elle devient la funambule qui le sauve d’une mort certaine et le fait se dresser. On pense à ce vrai faux-pas, qui ruina la carrière du fildefériste, tandis qu’un acrobate lui donne l’injonction de dépasser son passé. Le spectacle alterne ainsi des épisodes relatifs au drame et à la résilience de façon explicite, et des moments où les sept jeunes interprètes incarnent le travail du cirque dans toute sa beauté et sa difficulté.
Le peuple du cirque, un peuple à la marge
Au mât chinois, le fougueux Balthasar Moos est un chat élastique innocent que l’on manipule pour que, sans cesse, il remette l’ouvrage sur le métier. Un duo masculin d’acrobatie au sol et de trapèze trouve sa résolution dans une poignée de main fraternelle et le partage final d’un même espace. Même si elle est au cœur des propositions physiques des circassiens, la prouesse n’est pas le moteur de cette pièce. A la célébration d’un corps glorieux, on préfère celle des valeurs. Le don de soi, la persévérance, l’entraide. En contrepoint de la sagesse et de la poésie personnifiées par Agathe, il y a l’énergie rock du clown bleu de Pauline Dau : mi-femme mi-enfant, elle est celle qui ose bousculer les attendus, et faire sortir de leur réserve les corps empêchés ; encourager, toujours, même avec une bonne dose d’ironie. Après la danse finale, demeure l’idée d’un cirque sans esbroufe, attaché à sa propre fragilité, vulnérable et ouvert à la marge.
Nathalie Yokel
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