Fin de partie
Il faudrait sortir plus souvent des sentiers [...]
Christophe Perton met en scène un texte de Rodrigo Garcia, faisant le pari que le théâtre de cet écrivain de plateau est littérairement autonome. La démonstration peine à convaincre…
Robert Walser et Francisco de Quevedo pour les références littéraires, Buñuel et Kurosawa pour l’hommage au cinéma, le cimetière d’Igualada et le génie à empiler les morts de ses architectes, Miralles et Pinós : noir, c’est noir ! La scénographie métallique, fuligineuse et graphique indique d’emblée le ton du texte : sombre, cynique, désabusé, misanthrope. S’explique aussi le sens du titre : l’avantage avec les animaux, c’est qu’ils ferment leur gueule… Schopenhauer le disait déjà : « Ce qui rend si agréable la société de mon chien, c’est la transparence de son être. Mon chien est transparent comme le verre. S’il n’y avait pas de chiens, je n’aimerais pas vivre. » Mais chez Schopenhauer, on trouve autre chose que cette boutade atrabilaire. Dans ce texte de Rodrigo Garcia, pas grand chose, sinon quelques remarques assez plaisamment formulées – mais pesamment répétitives et dépassant rarement le truisme – sur la maladie, la mort, la vieillesse, l’amour et les enfants.
Du Capitole à la Roche Tarpéienne
La question se pose : quel est l’intérêt de faire du Garcia sans Garcia ? Il n’est pas certain que ce soit le meilleur service à rendre à son œuvre, qui s’appauvrit quand on la dépouille de sa matière habituelle. Sans les images, sans les excès, sans la fantaisie de ce qu’il donne habituellement à voir, le théâtre de Rodrigo Garcia semble une bien fragile coquille. L’esthétisation, assez chic et toc, à laquelle Christophe Perton le soumet n’arrange rien ; elle fait apparaître le snobisme du propos et dissimule son indigence analytique sous le masque d’une profondeur qui, si elle était plus humble, n’en apparaîtrait que plus vulgaire. Restent les trois excellents comédiens qui interprètent ce texte faussement iconoclaste, qui vomit les valeurs de la petite bourgeoisie en oubliant qu’elle a avalé depuis longtemps la ciguë du déclassement. Vincent Dissez et Judith Henry sont très bons ; Anne Tismer parvient même à être excellente dans l’interprétation du meurtre de la mère grabataire. Mais la performance d’acteurs mise à part, cette tentative d’immortaliser l’inessentiel avorte : il n’y a pas loin du Capitole à la Roche Tarpéienne.
Catherine Robert
Du mardi au samedi à 20h30 ; le dimanche à 15h30. Tél. : 01 44 95 98 21. Durée : 1h45.