La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

L’Acte inconnu

L’Acte inconnu - Critique sortie Théâtre
« Une caisse de résonance — foisonnante et labyrinthique — aux abîmes de l’être. »

Publié le 10 septembre 2007

Démesuré. Eclatant. Espiègle. Poignant. Métaphysique. Mettant notre monde à distance pour mieux le réinventer, le dernier spectacle de Valère Novarina se joue du théâtre comme de la vie. Un sentier caillouteux et édifiant.

« Mesdames et Messieurs, rien de grave : l’homme vient de se donner la mort, son animal survit. » En quatre mouvements distincts mais indissociés — L’ordre rythmique, Comédie circulaire, Le rocher d’Ombre, Pastorale égarée — L’Acte inconnu annonce la disparition de l’être humain, puis la démentit, trace les contours paradoxaux de ses ambivalences, énigmes, inaptitudes, peurs, absences, de ses langages et de ses silences, de la vacuité comme de la grandeur de sa condition. Chacun captera le reflet de son âme et de ses propres pensées lors de cette expédition au long cours, ou bien ne captera rien du tout, laissant passer les heures et les incessantes embardées lexicales sans vouloir lâcher prise, sans se laisser submerger par cette mer de mots, de souffles, de drôleries et d’interrogations. Il est vrai que cet Acte inconnu requiert une forme d’abandon personnel : se laisser aller au théâtre de Valère Novarina qui prend essentiellement corps à travers la langue et la présence tout à fait spécifique de ses comédiens.

Une ribambelle de jaillissements novariniens repérant « l’histoire de la Déshumanité »

Un théâtre du verbe et de la profération, de la proximité, qui met la mise en scène de côté au risque de se couper des spectateurs situés à trop grande distance du plateau. Car la puissance de ce théâtre intimement lié à l’existence ne réside pas dans son impact scénographique, mais bien dans le rapport diffus et mystérieux qui se crée entre la pièce et ses interprètes. Un rapport que semble investir comme miraculeusement Le Bonhomme Nihil — l’une des 77 figures de L’Acte inconnu — lorsqu’il éclaire La Femme Spirale sur le sentiment de la chair : « Le sentiment de la chair n’est pas du tout la sensation d’avoir le concret du corps en soi-même ou en face, c’est une étrange impression et vertigineuse comme à l’orée d’un puits, un sentiment de descente, d’évidement, (…) c’est sentir par notre chair que nous sommes ancrés au vide et le théâtre vivant d’un feu ». Voilà précisément le territoire que parviennent à investir les 13 interprètes de ce spectacle troublant, interprètes parmi lesquels Myrto Procopiou, surprenante de dépouillement poétique, de droiture, de mélancolie et de noblesse — Myrto Procopiou qui nourrit supérieurement les effets de miroirs mêlant les destins de l’humanité et de l’art dramatique.

Manuel Piolat Soleymat


L’Acte inconnu, texte, mise en scène et peintures de Valère Novarina. Du 15 septembre au 10 octobre 2007. Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30. Théâtre National de la Colline, 15, rue Malte-Brun, 75020 Paris. Réservations au 01 44 62 52 52. Spectacle vu au Festival d’Avignon, en juillet 2007.

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