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Avignon / 2017 - Entretien / Jean Boillot
Jean Boillot met en scène la ballade urbaine imaginée par Jean-Marie Piemme, dans laquelle Laura Wilson résiste au cynisme ambiant avec une vitalité nourrie à la peinture de Brueghel.
« Peu importe l’issue de son combat : ce qui compte, c’est le combat. Le combat, c’est la vie. »
Qui est Laura Wilson ?
Jean Boillot : C’est d’abord quelqu’un qui, au début de la pièce, alors qu’elle se croyait à l’abri, perd son boulot, la garde de son enfant et son logement. Elle découvre la précarité très brutalement : le recours aux solidarités s’étiole, les périodes amoureuses se réduisent ; elle dégringole… Mais son histoire est aussi celle d’une résistance et d’une vitalité hors normes. Elle fait partie de ces personnages que Jean-Marie Piemme appelle les « nageurs », ceux qui agitent leurs bras pour ne pas couler. Laura trouve en elle les forces d’un combat incertain mais acharné contre les forces de l’individualisme contemporain. Peu importe l’issue de son combat : ce qui compte, c’est le combat. Le combat, c’est la vie.
Que lui arrive-t-il ?
J. B. : Elle croise une trentaine de personnages, et surtout, elle rencontre Brueghel, à travers deux de ses œuvres. La Chute des anges rebelles, d’abord, qui lui fait comprendre que la vie n’est pas une tragédie (même si je crois que Jean-Marie Piemme est fondamentalement un auteur tragique) et que le côté sombre de l’existence peut toujours se mélanger au côté clair. Ce tableau réveille sa combativité. Puis elle rencontre le Paysage avec la trappe aux oiseaux, qui représente un paysage extrêmement serein, renvoyant à l’idée d’une communauté réconciliée, d’un village plein de tendresse et d’amour. Laura va avoir la tentation de se fondre dans le tableau, en une sorte de suicide métaphorique, un peu comme le Wang-Fô de Yourcenar. Mais ce n’est pas une solution de s’enfermer dans l’art. Il n’y a pas que la beauté dans l’art. Donc Piemme invente une deuxième fin : Laura installe son clavier devant une gare et se met à chanter, pour que d’autres viennent chanter avec elle.
Jean-Marie Piemme est votre auteur fétiche. Pourquoi ?
J. B. : Ce texte-là est écrit à la Jean-Marie : bourré de raccourcis, d’ellipses, selon une écriture qu’on pourrait dire en route, très bigarrée, qui raconte l’acte d’écrire, y mêle du récit et des aspects dramatiques. Selon moi, c’est un des auteurs contemporains les plus importants, qui embrasse l’écriture avec des renouvellements formels et esthétiques continus. Il est aussi un pédagogue très important, qui a formé plusieurs générations de metteurs en scène et d’auteurs. Et il est un observateur essentiel du rapport au théâtre et au monde. Il sait faire preuve d’une acuité très convaincante ! Ce qui m’a peut-être le plus touché dans cette pièce, c’est que Laura, au lieu de céder aux raccourcis qui pourraient la mener à l’extrême droite, se retrousse les manches. Elle fait la nique au cynisme, elle garde des valeurs et essaie de refaire société à son petit niveau, en ne perdant jamais le goût du combat.
Catherine Robert
à 15h40 (relâche les 11, 18 et 25 juillet). Tél. : 04 90 89 82 63 / 07 68 92 00 62.
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