La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Vase

La Vase - Critique sortie Théâtre Paris Les Abbesses / Théâtre de la Ville
La Vase, en tournée en France. CR : Jean-Pierre Estournet

Théâtre de la Ville / conception et mes Marguerite Bordat et Pierre Meunier

Publié le 24 janvier 2018 - N° 262

Vous ne regarderez plus jamais la vase de la même manière après ce spectacle de Pierre Meunier et Marguerite Bordat créé au Théâtre de la Ville. Une réhabilitation poétique et burlesque et une ode au lâcher prise.

Visqueuse, impure, la vase n’a pas bonne presse dans notre civilisation hygiéniste qui aime à y voir clair. En arpenteurs de l’imaginaire collectif, Marguerite Bordat et Pierre Meunier ont conçu ce spectacle comme une entreprise de réhabilitation de la vase, dont l’intérêt supérieur serait peut-être de nous réconcilier avec nous-mêmes. Car si nous sommes issus de la glaise, comme le dit la Genèse, et bien destinés à y retourner, il faut poser l’hypothèse que le dégoût pour cette matière traduise une véritable répulsion de l’homme face à sa nature profonde. Dans une pièce palissée de bâches plastiques transparentes couvertes de boue séchée, avec gants et blouse blanche pour certains, cinq laborantin.e.s offrent donc tout à la fois une étude, un combat et une rencontre sensuelle avec la matière honnie. Au sol, une immense cuve ronde, que l’on peut voir du dessus via un miroir accroché au plafond. En l’air, des tuyaux, comme des gros boyaux, qui gigotent et tremblent sous les coups répétés de la boue qui circule. Dès le début, on discute, on s’affaire, mais aussi on s’inquiète de l’excès de pression tandis qu’une menace sourde sort des murs, une rumeur, un grognement qui témoigne d’une présence, d’une vie organique invisible et contenue, qui ne demande qu’à éclater.

Drôle et de peu de mots

C’est ce qui va se passer au mitan du spectacle environ. Coup de théâtre en forme d’aspersions multiples et de trous dans la coque, qui détonne dans un déroulé ponctué d’interrogations scientifico-philosophiques aussi existentielles que burlesques, le plus souvent formulées par Pierre Meunier. « Quoi de plus infondé, malléable, instable que l’existence ? » demande par exemple le scientifique pince-sans -rire pour rappeler combien la vase nous est consubstantielle. Rien de didactique pour autant dans ce spectacle drôle et de peu de mots. Le sens se construit par petites touches dans une suite de tableaux avant tout visuels et sonores de ces hommes et femmes en prise avec la boue. Naturellement, on glisse, on se masque, on se macule, et la grande cuve se transforme en baignoire, en piscine et en mare. Si la capacité de ce spectacle à constituer des univers, à stimuler la réflexion et l’imaginaire au travers de situations poétiques et comiques est remarquable, tout ne fonctionne pas pour autant et, sans être adepte de la vitesse, le rythme est parfois flottant. Ainsi en va-t-il des spectacles de Pierre Meunier, toujours sur un fil, celui de la création et de la prise de risque, de la confrontation aux éléments, qui se traduit ici en ode au lâcher prise, fût-il régressif, et, en apparence, dégoûtant.

Eric Demey

A propos de l'événement

La Vase
du lundi 8 janvier 2018 au jeudi 18 janvier 2018
Les Abbesses / Théâtre de la Ville
31, rue des Abbesses, 75018 Paris

Du 31 janvier au 2 février au TJP à Strasbourg. 8 et 9 février à l’Hippodrome de Douai. Le 15 et le 16 à la Comédie de Béthune. Les 21 et 22 à la Filature à Mulhouse. Du 6 au 9 mars à la scène nationale de Besançon. Du 14 au 16 au TNG à Lyon. Les 20 et 21 au Lieu unique à Nantes. Les 15 et 16 mai à l’Hexagone de Meylan. Du 24 au 26 au Théâtre Garonne. Durée : 1h30. Spectacle vu et créé au Théâtre de la Ville (Abbesses).

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