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Avignon / 2013 - Entretien Nicolas Stemann
Opérette, show télévisé et tragédie : Nicolas Stemann fait souffler sur la scène une bourrasque libertaire qui électrise et décoiffe les codes traditionnels. Iconoclaste en diable et franc-tireur, le metteur en scène allemand s’empare de Faust, œuvre monumentale de Goethe, pour une aventure théâtrale où l’intimité de la parole se cogne au grand chaos du monde.
Après Werther en 2007, vous revenez à Goethe pour Faust… Que trouvez-vous chez Goethe qui résonne aujourd’hui ?
Nicolas Stemann : Goethe écrit son Faust à la charnière des 18e et 19e siècles, lorsque s’affirme la bourgeoisie, qu’émergent la subjectivité du sujet et la conception romantique de l’artiste qui exprime ses sentiments et explore son univers intime. Les Lumières connaissent leur apogée, l’industrialisation commence, la révolution française a dégagé de nouveaux horizons mais a aussi semé la terreur… Nous vivons aujourd’hui la fin de cette période. Faust vend son âme au diable contre plus de connaissance et de pouvoir sur la nature. L’introduction de la monnaie et le désastre écologique mènent à la catastrophe, à la destruction de la nature et du monde par la civilisation. Bien qu’écrite voici 200 ans, cette pièce résonne avec une force étonnante à notre époque !
Quelles sont les lignes directrices de votre adaptation à la scène ?
N. S. : Nous avons d’abord joué la pièce plusieurs fois, dans des approches et des cadres différents. Nous voulions explorer le texte sans penser à la représentation. Les quatre mois de répétitions se sont échelonnés sur un an et demi, si bien que les acteurs ont pu laisser l’œuvre mûrir en eux. Goethe travailla à cette pièce toute sa vie ! Ce processus a permis à la forme de naître : un acteur, seul sur une scène vide, porte tous les rôles, puis un autre, puis une autre, qui livrent leur version, en changeant de perspective. Ces monologues sont interrompus par des scènes très vives et joyeuses, jouées par des chanteurs, des danseurs, des musiciens. Se confrontent ainsi la solitude de l’être humain, avec son désir d’aimer et de savoir (le « microcosme »), et la complexité immense du monde de la politique, de l’économie et de la science.
La satire est-elle une arme politique pour vous ?
N. S. : Le rire et la satire permettent en effet de capter l’attention du spectateur et d’éveiller sa conscience. J’aime quand le théâtre mêle le sérieux, la profondeur et la complexité du propos au plaisir. Les spectateurs nous donnent de leur temps. Il est de ma responsabilité en tant que metteur en scène de leur apporter satisfaction intellectuelle et bouleversement sensoriel.
Entretien réalisé et traduit par Gwénola David
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